Deux fois deux chansons 


Et deux conclusions fort différentes.  Retour au menu
 

 

Premier cas

Deuxième cas 

 

On devrait reconnaître (les paroles intégrales pour les deux chants sont, entre autres, dans le Quid). 

Premier chant :

Allons enfants de la patrie,
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie
L'étendard sanglant est levé ! (bis)
Entendez-vous dans nos campagnes,
Mugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque dans nos bras,
Egorger, nos fils, nos compagnes ! 

Aux armes citoyens !
Formez vos bataillons !
Marchons ! Marchons !
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons.

 Deuxième chant : 

Debout ! l'âme du prolétaire !
Travailleurs, groupons-nous enfin.
Debout ! Les damnés de la terre !
Debout ! Les forçats de la faim !
Pour vaincre la misère et l'ombre
Foule esclave, debout ! Debout !
C'est nous le droit, c'est nous le nombre :
Nous qui n'étions rien soyons tout. 

C'est la lutte finale.
Groupons-nous et demain,
L'internationale
Sera le genre humain.

Celles et ceux qui ne connaissent que la deuxième version de l'Internationale, de très loin la plus répandue, seront peut-être un peu surpris, mais ce n'est pas l'essentiel. Quelle relation entre ces deux hymnes, écrit l'un en 1792 par le capitaine du génie Claude-Joseph Rouget de Lisle, l'autre en 1870 pour les paroles d'Eugène Pottier, et en 1888 pour la musique de Pierre Degeyter ? Ils sont tous deux incisifs, entraînants et agressifs, mais ce n'est pas essentiel, puisqu'ils sont faits pour cela.

Dans les deux cas, on trouve des couplets de huit octosyllabes et un refrain de quatre hexasyllabes. Soit la coïncidence parfaite de quatre nombre caractéristiques. On aura du mal à trouver beaucoup d'autres exemples, y compris dans les autre chants entraînants, incisifs et agressifs.

Si on chante l'Internationale sur l'air de La Marseillaise, cela marche à merveille, surtout dans la première version. L'inverse est un tout petit peu moins satisfaisant.

Explication très simple, Eugène Pottier, qui savait parfaitement tourner des airs de qualité, incisifs, entraînants et agressifs (voir par exemple son chant La commune n'est pas morte), aurait destiné ces paroles-là à celui de La Marseillaise.

  

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Deux autres chansons

Il s'agit (textes intégraux en annexe) d'un côté du poème de Jacques Prévers Barbara, mis en musique par Joseph Kosma et chanté par les Frères Jacques, Yves Montand et bien d'autres, et de l'autre côté de la chanson Te recuerdo Amanda, du Chilien Victor Jara (abattu en 1973 sur le stade de Santiago). Quelles analogies ?

  1. Les deux textes s'adressent formellement à une femme, nommée par son prénom.
  2. Ces deux prénoms comportent chacun trois "A".
  3. Le premier vers commence à chaque fois par le verbe "se rappeler", "Rappelle-toi", "Te recuerdo" ("je me rappelle de toi"), suivi du prénom de la femme.
  4. Dans les deux cas, rien n'indique formellement que la personne à qui on s'adresse soit réellement présente, ni d'ailleurs qu'elle ne le soit pas.
  5. Dans les deux cas, on évoque le souvenir d'un homme que cette femme aimait.
  6. Dans les deux cas, on évoque un moment bref, heureux et intense, où cette femme et cet homme se sont rencontrés.
  7. Barbara, comme Amanda, a couru sous la pluie à cette rencontre.

    "Et tu as couru vers lui sous la pluie
    Ruisselante, ravie, épanouie
    Et tu t'es jetée dans ses bras..."

    "Corriendo a la fabrica (...)
    La lluvia en el pelo
    No importaba nada
    Ibas a encontrarte
    Con él, con él, con él
    Son cinco minutos,
    La vida es eterna
    En cinco minutos..."

    ("Courant à l'usine (...)
    La pluie dans tes cheveux
    N'avait aucune importance
    Tu allais à la rencontre
    De lui, de lui, de lui !
    Ce sont cinq minutes
    La vie est éternelle
    En cinq minutes...")
  8. Cela s'est passé dans la rue : "rue de Siam" d'un côté, "la calle mojada" ("la rue mouillée"), sans autre précision, de l'autre.
  9. Dans le premier cas, on laisse entendre, sans l'affirmer, que cet homme a disparu à cause d'une guerre. Dans le second, cette disparition à la guerre est une certitude.

    "Et celui qui te serrait dans ses bras
    Amoureusement
    Est-il mort, disparu, ou bien encore vivant
     ?"

    "Ibas a encontrarte
    Con él (quater)...
    Que partió a la sierra
    Que nunca hizo dano
    Que partió a la sierra
    Y en cinco minutos
    Quedó destrozado"
    Suena la sirena
    De vuelta al trabajo
    Muchos no volvieron
    Tampoco Manuel

    ("Tu allais rencontrer
    Celui (...)
    Qui est parti pour la sierra (sous-entendu : dans les rangs de la guérilla)
    Et qui en cinq minutes
    A été massacré
    Sonne la sirène
    De reprise du travail
    Beaucoup ne sont pas revenus
    Manuel non plus.")

Cette fois, il n'y a pas de rapport évident qui explique les ressemblances. Alors hasard, inspiration du deuxième par le premier, croisement d'archétypes, autre chose ? A vous de juger. Et vous pouvez m'adresser votre point de vue.

Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Epanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu sourias
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

Te recuerdo Amanda

Te recuerdo Amanda
La calle mojada
Corriendo a la fábrica
Donde trabajaba Manuel.
La sonrisa ancha
La lluvia en el pelo,
No importaba nada
Ibas a encontrarte,
Con él, con él, con él
Son cinco minutos,
La vida es eterna
En cinco minutos.
Suena la sirena
De vuelta al trabajo,
Y tu caminando
Lo ilumina todos
Los cinco minutos
Te hacen florecer

Te recuerdo Amanda
La calle mojada
Corriendo a la fábrica
Donde trabajaba Manuel.
La sonrisa ancha
La lluvia en el pelo,
No importaba nada
Ibas a encontrarte,
Con él, con él, con él,
Que partió a la sierra
Que nunca hizó daño
Que partió a la sierra
Y en cinco minutos
Quedó destrozado.
Suena la sirena
De vuelta al trabajo ;
Muchos no volvieron,
Tampoco Manuel.

Te recuerdo Amanda...

(Disques Chile Presente et Chants de lutte du Chili)

 

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