Orphelins sanguinaires | |||
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Manassé, Mithridate, Caligula, Néron, Attila, Mahomet, Gengis Khan, Ivan le Terrible, Pierre le Grand, Saint Louis, Louis XIV, Adolf Hitler, Joseph Staline, Ruollah Khomeiny, Saddam Hussein, Jean-Bedel Bokassa, Idi Amin Dada.
Roi de Juda (687-642). "Manassé répandit aussi beaucoup de sang innocent jusqu'à en remplir Jérusalem d'un bout à l'autre, outre les péchés qu'il commit et qu'il fit commettre à Juda en faisant ce qui est mal aux yeux de l'Eternel." (2 Rois, XXI, 16). Entre autres "péchés", Manassé a fait brûler rituellement plusieurs de ses enfants. Parmi ses autres victimes, le prophète Isaïe. Les rois de Juda comme d'Israël (états nés de la scission du royaume de Salomon) n'étaient généralement pas des tendres, et Manassé n'est par ailleurs pas le seul à avoir fait des infidélités à Yahvé, mais son règne exceptionnellement sanguinaire est donné comme la cause de la chute finale du royaume de Juda, plusieurs décennies après sa mort (2 Rois, XXIII, 26).
Il s'agit de Mithridate VI Eupator, roi du Pont, conquérant puis adversaire acharné des Romains et finalement vaincu par eux. Au début de cette lutte, il fit massacrer quelques 100000 Italiens établis pacifiquement dans la région. Après ses défaites face à Lucullus, craignant que ses épouses ne tombent entre les mains des légions (lui-même ayant pu se sauver), il leur envoya à toutes l'ordre de se suicider. Bien entendu, chaque messager devait s'assurer de l'exécution de l'ordre. A sa décharge, Mithridate en fit autant le moment venu, devant comme chacun sait utiliser une épée et non les poisons contre lesquels il s'était immunisé.
Empereur romain de 37 à 41. Assassiné. Après des débuts que l'on s'accorde à qualifier d'heureux et brillants, il se produisit un choc, que l'on attribue soit à une maladie, soit à la mort de sa soeur bien aimée. Et il devint fou, et plus encore cruel. L'historien Suétone (que l'on soupçonne il est vrai de partialité) a dressé un catalogue impressionnant de ses sinistres exploits. Extraits choisis (Suétone, Vie des douze César, XXVII-XXX). "Comme il était trop onéreux d'acheter du bétail pour nourrir les animaux sauvages destinés aux jeux, il désigna des condamnés pour leur servir de pâture, et, passant en revue les différentes prisons, sans examiner un seul acte d'écrou, il se plaça simplement au milieu du portique, puis donna l'ordre de les conduire aux bêtes... "Il obligeait les pères à contempler l'exécution de leurs fils : comme l'un d'eux alléguait qu'il était malade, il lui envoya sa litière ; au retour même de l'exécution, il en invita un autre à sa table... "Un auteur d'atellane, pour un simple vers contenant une plaisanterie à double sens, fut brûlé dans l'amphithéâtre, au milieu de l'arène. Un chevalier romain que l'on jetait aux bêtes ayant crié son innocence, il ordonna de l'emmener, de lui couper la langue et de le ramener au supplice. "Il n'admit pour ainsi dire jamais que l'on exécutât quelqu'un autrement qu'à petits coups multipliés, et l'on connaissait bien son éternelle recommandation : "Frappe-le de telle façon qu'il se sente mourir." Comme on avait mis à mort, en se trompant de nom, un condamné différent de celui qu'il avait désigné, il déclara que tous deux avaient mérité la même peine..." Empereur romain de 54 à 68, assassiné. Il s'est d'abord déchaîné contre ses proches. En commençant probablement par sa mère, Agrippine (il n'est pas prouvé que Britannicus fût empoisonné par lui). Suivent sa première épouse Octavie, forcée de s'ouvrir les veines, sa deuxième épouse Poppée (mais là, il semble qu'il y ait eu coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner). La conspiration avortée de Pison (65), est l'occasion d'une purge de grand style, où disparaissent notamment son maître Sénèque et un certain nombre de hauts personnages, réellement compromis... et d'autres dont la culpabilité est rien moins qu'évidente. Par la suite, une partie du sénat, son meilleur général Corbulon, et plusieurs de ses anciens proches collaborateurs dont trois consuls, seront sacrifiés à la peur néronienne du complot. On lui attribue aussi la première persécution de chrétiens. Roi des Huns, il s'est taillé un empire allant de la France à la Sibérie. Il pouvait montrer une certaine compréhension, et un sens de l'humour certain. Quand un moine le traita, en face, de "fléau de Dieu", il éclata de rire, et il ne punit d'aucune façon le courageux moine. Il n'était pas le pur barbare que l'on croit. Elevé en partie à Rome, il choisit parmi ses principaux ministres un Grec et un Romain (pas des tendres, il est vrai, parfois même plus durs que lui). Et il entendait que son empire fût un vrai empire. Il interdit donc les expéditions de guerre et de pillage traditionnelles entre les différents peuples qui lui étaient soumis. En massacrant les récalcitrants. On connaît son fameux ultimatum, transmis simultanément par deux ambassadeurs aux deux empereurs romains, celui d'Orient et celui d'Occident : "Attila, mon maître et le tien, t'ordonne de lui préparer son palais car il va venir..." Mais s'il a épargné Paris et Rome, cédant à chaque fois aux prière d'un saint personnage (respectivement Geneviève et Léon), s'il a épargné au moins la population d'Orléans et Troyes (en pillant seulement ces deux villes), il a exterminé les occupants de Laon, Saint-Quentin, Gorizia, Aquilée, Augsbourg, Mantoue, et bien d'autres jusqu'aux abords de la Sibérie. On s’étonnera ou s’indignera peut-être de trouver le fondateur de l’Islam en aussi sanguinaire compagnie. Il n’empêche, on ne connaît aucun autre initiateur conscient de religion qui ait autant que lui recouru à la violence. Après l’Hégire, sa carrière est essentiellement marquée par les expéditions militaires, contre les tribus juives de Médine, contre ses concitoyens de La Mecque, puis après la conquête de cette dernière, pour en étendre le territoire. Il a aussi fait mettre à mort, par le bourreau ou par des commandos selon qu’ils se trouvaient ou non en son pouvoir, des gens qui s’étaient simplement moqués de sa religion. Il pardonnait plus facilement à qui l’avait combattu par les armes. Il monte sur le trône fatimide (chi’ite) d’Egypte à onze ans et cinq mois plus tard, à la mort de son père. Pas encore apte au gouvernement, il est épaulé par deux régents successifs, mais fait assassiner le second, non sans exiger de frapper lui-même le coup de grâce. En peu d’année, par des purges, il fait assassiner la plupart de ses conseillers et ministres. Après une période de débauche, il devient rigoriste et impose des lois si sévères (interdiction des bijoux pour les femmes, marchés séparés pour les hommes et les femmes, etc.) que les prisons se remplissent de contrevenants. Qu’à cela ne tienne, il les vide en faisant exterminer les détenus. Un jour il fait tuer tous les chiens d’Egypte, trouvant qu’ils aboient trop la nuit. A partir de 1008 il persécute atrocement les Chrétiens et les Juifs, qui fuient ou se convertissent en masse. C’est lui qui fait détruire l’Eglise du Saint Sépulchre, ce qui plus tard déchaînera les croisades. De 1009 à 1014, il tue à peu près tous les cadres et intellectuels du pays, au point de le plonger dans la crise par manque de fonctionnaire et de dirigeants. Vers 1015, il interdit aux femmes de sortir de chez elle sauf autorisation exceptionnelle signée personnellement par Al-Hakim. Quant à ses propres épouses, au nombre impressionnant, il décide un jour de toutes les noyer dans le Nil. Enfin, en 1021, subitement, il disparaît subitement, sans qu’on sache s’il est parti, s’il a été tué, ou s’il est mort autrement. Et ce fou est à l’origine d’une religion aujourd’hui bien vivante, celle des Druzes. Chef de clan puis unificateur des Mongols. Il avait environ douze ans quand, avec son frère Djötchi-Qasar, ils tuèrent, de sang-froid, un de leurs demi-frères, du nom de Bekter. Ce dernier n'avait fait que leur dérober quelques pièces de gibier. Devenu chef d'un petit clan, il soumit, en de multiples combats, et il enrôla, les autres clans mongols, puis de proches en proches les Tartares (car "mongol" et "tartare" ne sont pas synonymes) et d'autres peuplades turques restées nomades. Il alliait la sauvagerie la plus absolue, allant jusqu'à refuser et exterminer toute population sédentaire, avec une organisation élaborée. Ses soldats étaient organisés en dizaines, centaines, milliers, etc. Et quand un membre d'une dizaine se comportait mal, tous les dix étaient mis à mort. Soit l'inverse du vieux procédé romain de la décimation, qui consistait à tirer au sort et mettre à mort un homme sur dix dans une unité qui n'avait pas fait son devoir. Cela, joint à un service de transmissions efficace, permettait des tactiques et stratégies sophistiquées, et irrésistibles. On lui attribue, sous sa responsabilité directe ou celles de ses fils et lieutenants, cinquante millions de morts en Asie centrale, en Chine, en Perse, en Russie, etc. Une de ses ruses favorites consistait à promettre la vie sauve aux habitants d'une ville encerclée. Puis, quand ils avaient ouverts leurs portes, croyant être quittes pour le pillage, ils étaient exterminés. Les têtes coupées étaient amoncelées en pyramides. Après s'être éloignée une première fois, l'armée mongole revenait couramment massacrer ceux qui avaient pu se cacher lors du premier massacre, et qui étaient imprudemment sortis de leurs abris. On note que cette propension au massacre était largement personnelle. Les propres fils de Gengis, de son vivant, ont essayé de limiter les tueries. Et après sa mort ils ont poursuivi les conquêtes, mais avec un peu moins (tout étant relatif) de sang versé. Et ses petit-fils Mongka et Koubilaï ont instauré, dans la partie orientale de l'espace conquis, un empire hautement civilisé, et tolérant. Louis IX (Saint Louis) (1214 ou 1215-1270) Roi de France. Lui aussi on s'étonnera, on s'indignera peut-être, de le voir en aussi sanglante compagnie. L'explication viendra en son temps. Il a tout de même à son actif trois croisades, celle contre les Albigeois (1242-1243), celle en Egypte (1250-1254), celle en Tunisie où il a trouvé la mort (1270). C'est un record absolu. Côté répression, si les Juifs qui acceptaient le baptême bénéficiaient de ses largesses, ceux qui le refusaient étaient mis à mort. Mais un autre point le rapproche, et l'éloigne en même temps, des autres membres de cette série. La sainteté du roi Louis IX n'était pas innée. Ses biographes s'accordent à dire qu'il a dû lutter, très tôt, contre ses mauvais penchants, et que le plus grave de ces mauvais penchants était une inclination à la violence... Ivan IV dit "le Terrible" (1530-1584) Tsar de Russie. 3 décembre 1564. Ivan IV, le premier à porter le titre de tsar de Russie, a organisé l'état, lancé d'utiles réformes, et surtout, victorieux, il a conquis d'importants territoires dont la ville de Kazan, mettant définitivement fin à la tri-séculaire menace tartare. Si un souverain peut se reposer sur ses lauriers, c'est bien lui, à ce moment. Et subitement, sans prévenir, il quitte Moscou, en emmenant sa famille, et surtout en laissant au gouvernement le message suivant : "Incapable d'endurer les trahisons dont je suis entouré, j'ai abandonné l'Etat et m'en vais où Dieu me conduira..." Stupéfaction dans la capitale. Le peuple manifeste et exige qu'on lui livre les noms des traîtres qui ont osé défier le souverain bien-aimé. On apprend bientôt que le Tsar s'est installé avec les siens à Alexandrov, une petite ville près de Vladimir (à l'est de Moscou). Un mois après son départ, les plus hauts dignitaires de l'Eglise orthodoxe russe, les principaux nobles, les hauts fonctionnaires, s'en vont en délégation le supplier de revenir. Il répond par un long discours, et finit par accepter, mais à certaines conditions. En particulier : "Je serai libre d'exécuter les traîtres à ma volonté, libre de punir, avec mon mécontentement, que ce soit par la mort, l'emprisonnement, la confiscation des biens..." Il l'était déjà, son pouvoir était absolu. Mais il précise : "... Sans encourir l'anathème ou le mauvais vouloir du clergé..." Et tous acceptent. Le Tsar invite toute la délégation à fêter avec lui l'Epiphanie, se fait encore désirer quelques semaines, et regagne enfin sa capitale. Dans les jours suivants il fait mettre à mort plusieurs princes de haut rang, dont un est empalé. Ce n'est qu'un début. Il organise sa police particulière, l'Oprichtchnina, dont les victimes se compteront par milliers. Il sera très vite pour la postérité Ivan le Terrible. Une de ses plaisanteries : ayant condamné deux hommes à mort, il ordonne au fils de l'un et au frère de l'autre d'exécuter la sentence. Les deux hommes s'y résignent, se disant sans doute que s'ils refusent leurs père et frère mourront de toute façon, et très probablement de façon bien plus cruelle. Après l'exécution, le tsar se retourne vers les deux bourreaux malgré eux, et leur lance : "Toi, tu est un parricide, et toi un fratricide !" Et bien sûr il les fait mettre à mort. En 1570, sur un simple soupçon, il fait détruire la ville de Novgorod, une des capitales historiques de la Russie, et massacrer une grande partie de ses habitants. D'autres cités, de moindre importance, subissent le même sort. En 1581, il surprend sa belle-fille, enceinte, dans une tenue qu'il juge indécente. Comme il fait très chaud, elle ne porte qu'une seule des trois robes réglementaires. Il crie à l'indécence, la frappe, du pied, elle en meurt. Quand le Tsarévitch, mari de la malheureuse, vient exprimer une compréhensible indignation, son père le frappe à son tour, de sa canne ferrée. Lui aussi en meurt. Dans le même temps, Ivan lance une guerre aussi terrible que ruineuse contre la Pologne et la Suède pour tenter de s'emparer de la Livonie (actuelle Estonie). Pierre premier dit "le Grand" (1672-1725) Tsar de Russie. Admirateur de l'Allemagne, il y a longtemps voyagé pour en apprendre les notions les plus diverses. Un jour, dans une ville de ce pays, il demande à visiter la salle des tortures. Cela jette un froid, mais enfin comment refuser quoi que ce soit à un invité aussi illustre et aussi puissant ? On lui montre donc les divers appareils, on lui en explique le fonctionnement. Il écoute avidement mais cela ne suffit pas. Il faut une démonstration. Plus que gênés, ses hôtes lui expliquent qu'il n'y a pas en ce moment de cas justifiant l'application de la torture. "Aucune importance, dit le Tsar, je peux vous prêter un homme de ma garde personnelle..." Il fait réprimer férocement la révolte des streltsy (une troupe d'élite), en coupant lui-même les têtes sur la place publique, et en obligeant ses ministres à faire de même. Un de ses jeux préférés : décapiter, en plein repas, les convives qui lui déplaisent. Louis XIV dit "Le Grand", dit "le Roi-Soleil" (1638-1715) "J'ai trop aimé la guerre" a-t-il dit en mourant. A partir de 1661 (début du règne personnel), pas moins de quatre guerres extérieures féroces à son actif : la Guerre de dévolution (1667-1668), la Guerre de Hollande (1672-1678), la Guerre de la Ligue d'Augsburg (1688-1697) et la Guerre de succession d'Espagne (1702-1713), cette dernière passant à elle seule le million de morts. A quoi il faut ajouter l'impitoyable répression de la révolte des Camisards (1702-1704), conséquence de son intolérance. Egalement, et peut-être surtout car c'était moins habituel, la "dévastation du Palatinat" (1689), destruction systématique des maisons, des routes, des arbres fruitiers, des puits, dans toute une province, ce qui allait alimenter le ressentiment allemand contre la France pendant près de trois siècles. Joseph Djougachvili, dit Staline, dit "le Petit Père des peuples" (1879-1953) Exclu d'un séminaire en 1899, il se lance dans l'action politique subversive. La révolution de 1917 le fait commissaire aux nationalités. En 1924, il succède à Lénine au titre de Secrétaire du Parti Communiste d'URSS. Mais son pouvoir ne devient absolu que quelques années après. A partir de 1929, c'est la collectivisation de l'agriculture. Des millions de morts parmi les paysans récalcitrants, ou simplement jugés trop riches. Dans les années trente, la majorité des dirigeants soviétiques du temps de Lénine, les deux tiers des officiers de l'armée soviétique, et de nombreux millions d'autres citoyens disparaissent dans les purges successives. L'anecdote suivante passe pour authentique. Beria, chef de la police, a fait arrêter le premier beau-père de Staline, Svanadzé, et juge prudent de demander au maître ce qu'il convient de faire. "S'il reconnaît ses fautes, répond Staline, je le gracie, sinon, qu'on le fusille..." Pendant toute une nuit, on essaye de contraindre Svanadzé à "avouer ses fautes". A la fin, on se résigne à le fusiller. Et quand Beria, un rien mal à l'aise, vient en rendre compte, Staline remarque simplement : "C'était un brave..." L'anecdote suivante est inventée, mais elle circulait, au péril de la vie des diffuseurs, et montre le climat de l'époque en Russie. Ivan Ivanovitch, en apprenant une bonne nouvelle, s'écrie : "Merci mon Dieu ! - On ne dit pas : "Merci mon Dieu" le reprend Pavel Pavlovitch, on dit "Merci petit père Staline" - Mais quand Staline sera mort ? - Alors on pourra dire : "Merci mon Dieu !". Boris Souvarine, un des nombreux biographes-accusateurs de Staline, a relevé un certain nombre de parallèles entre Staline et Ivan le Terrible. "Après le départ de Kourbski [ministre du Tsar passé au service de l'ennemi polonais], correspondant mutatis mutandis à l'exil de Trotsky, les choses se gâtent. Kourbski adresse à Ivan un véhément message de reproches, à peu près dans le style du futur Bulletin de l'Opposition trotskiste. La polémique s'engage, le Terrible répond de son encre et use de ruse pour atteindre Trotsky, c'est-à-dire Kourbski, dans ses prétendus complices : le chantage à la démission, en quelque sorte, qu'emploiera plusieurs fois Staline, amène les Boïards à résipiscence devant le Tsar..." Alors, au seizième siècle, pour citer encore Souvarine : "Pendant sept ans, une terreur à éclipses décime les "couches supérieures" de la société moscovite, les exécutions succèdent aux tortures, les Zinoviev, les Piatakov et les Boukharine du temps périssent avec leurs serviteurs et leurs familles. On raconte que certains boïards suppliciés mêlaient un éloge de Staline, ou plutôt du Terrible, à leurs cris de douleur..." A rapprocher des louanges de Staline prononcées par certaines de ses victimes consentantes (après des mois de tortures) jusque devant le tribunal qui venait de les condamner à mort. Autre rapprochement relevé par Souvarine entre le Tsar Terrible et le "petit père des peuples". Ivan a écrit un jour aux Polonais : "Beaucoup disent chez vous que je suis cruel ; c'est vrai que je suis cruel et irascible, je ne le nie pas ; mais pour qui, je vous prie, suis-je cruel ? Je suis cruel envers celui qui est cruel avec moi." De même, Staline a ainsi commenté devant le Comité Central, en 1927, le fameux testament de Lénine qui le disait "trop brutal" pour les fonctions de Secrétaire du Parti : "Oui camarades, je suis brutal envers ceux qui manquent de parole brutalement et traîtreusement, scindent et démoralisent le Parti..." Il est impossible de citer ici toutes les victimes de Staline. On se bornera à ces malheureux responsables d'un recensement général de la population, exécutés dans les années trente. Ils s'étaient rendu compte que la population soviétique, par rapport au précédent recensement, était inférieure de nombreux millions à ce que laissaient prévoir les lois les plus élémentaires de la démographie. Autrichien, passé en Allemagne en 1914, il fait toute la première guerre mondiale dans l'armée allemande et n'accepte pas la défaite de 1918, le "coup de poignard dans le dos". Il prend peu d'années après la tête du parti National-Socialiste, qui sème la terreur avant même d'arriver au pouvoir. Chef de l'état allemand à partir de 1933. A quoi bon insister ? Une citation suffira. "Notre force réside dans notre rapidité et notre brutalité. Gengis Khan a volontairement et de gaieté de coeur fait massacrer des millions de femmes et d'enfants. L'histoire n'a retenu de lui que l'image d'un grand bâtisseur d'empire. Aussi, pour l'heure, j'ai envoyé à l'Est mes seules unités à tête de mort avec ordre de tuer sans pitié ni merci tous les hommes, femmes et enfants de race ou d'origine polonaise. C'est seulement de cette manière que nous obtiendrons l'espace vital dont nous avons besoin. Qui parle encore de nos jours de l'extermination des Arméniens ?" ("discours secret" aux unités SS, peu avant l'invasion de la Pologne). Comme on sait, ce sinistre programme n'a pas été complètement appliqué aux Polonais, mais aux Juifs. (Ron Rosenbaum, Pourquoi Hitler ? Enquête sur l'origine du mal, JC Lattès, 1998). Officier de l'armée britannique, puis commandant de l'armée ougandaise, il participe au coup d'état qui renverse le roi Mutesa II en 1966. En 1971, il prend personnellement le pouvoir en chassant le président Oboté. Chaque semaine, dans les mois qui suivirent son coup d'état, on exécutait des prisonniers à Karuma, sur le Nil, et les cadavres étaient jetés au fleuve. Beaucoup se trouvaient pris dans les roseaux, polluant l'eau et empêchant les riverains de l'utiliser. Des fonctionnaires locaux prirent l'initiative de les repêcher. On leur ordonna de les rejeter au fleuve. Il paraît qu'en 1972, recevant des représentants de mouvements de libération d'Afrique australe, il leur expliqua qu'ils n'avaient pas besoin de fusils. Lui-même avait découvert, en luttant contre les Mau-mau, au temps où il était soldat de la Reine d'Angleterre, qu'un mouchoir suffit pour étrangler un homme. Et on assure qu'il en fit aussitôt la démonstration sur un des délégués. Un avocat britannique d'origine asiatique, Anil Clerk, décrivit dans une lettre certaines exactions du régime. Il fut arrêté et exécuté au bout de quarante-huit heures. Le gouvernement britannique protesta et reçu la réponse officielle suivante : "Nous n'avions pas pris conscience que c'était un sujet britannique..." En 1976, Amin Dada accueillit sur l'aéroport de Kampala un avion israélien détourné par un commando palestinien. Tous les passagers étaient gardés en otages, avec la complicité flagrante des forces de l'ordre ougandaises. Après le sauvetage inespéré des otages par un raid israélien, un Ougandais devait raconter : "Ce fut très difficile. Nous étions si contents de la libération des otages que nous aurions aimé rire ou sourire mais nous ne le pouvions pas. Certains d'entre nous furent abattus pour avoir osé le faire..." Une des otages, Madame Dora Bloch, malade, que l'on avait admise à l'hôpital de Kampala, fut assassinée après le raid. Un ancien ministre des affaires étrangères d'Amin (et par ailleurs frère d'une des épouses du dictateur), Ondoga, fut un jour retrouvé assassiné. Sa soeur, soutenue par une grande partie des autres épouses, osa assister aux funérailles. Amin les répudia et l'une d'elles fut à son tour assassinée. Mais la grande majorité des victimes, que l'on chiffre à 200.000, est anonyme. Il s'agit par exemple de l'ethnie Acholi, victime d'un quasi-génocide. (David Glen, Amin Dada, le cancer de l'Afrique, Presses de la Cité, 1978). Ayatollah (haut dignitaire de l'Islam chi'ite) en révolte dès 1963 contre le régime du Shah d'Iran, exilé jusqu'en 1980, moment où ses partisans prennent le pouvoir par la force, il prend alors la tête de la République Islamique d'Iran. Sa police politique reprend telles quelles certaines pratiques de celle du Shah (la Savak) : ainsi la torture consistant à laisser un homme sur une plaque brûlante jusqu'à ce que la moelle épinière soit atteinte, le laissant paraplégique ; ou l'usage de réclamer aux familles des fusillés le prix des cartouches utilisées pour l'exécution. Lors de la longue guerre contre l'Irak, il fait utiliser à une échelle rarement atteinte la tactique des "vagues humaines", masses d'hommes et parfois d'enfants lancés, avec ou sans armes, parfois avec une mine accrochées au corps, contre les lignes irakiennes. Il fait déclencher contre la très pacifique minorité baha'ie la plus féroce persécution religieuse du vingtième siècle. Président puis Empereur de la Centrafrique. Il prend, par un coup d'état, la tête de l'état centrafricain en 1965. Il se fait couronner empereur en 1976, est renversé en 1979. On a raconté, sinon prouvé, qu'il se livrait à l'anthropophagie, ou qu'il faisait dévorer des hommes par ses lions ou ses crocodiles. Aussitôt après son coup d'état, il fait mettre en prison les agents de la sécurité de son prédécesseur renversé, David Dacko (qui sera aussi son successeur). La plupart de ces hommes mourront en prison, de faim ou sous les coups. Juillet 1973. Il convoque dans son bureau le jeune chauffeur de son épouse Catherine. Bokassa attend de ses chauffeurs qu'ils lui signalent tous les mouvements aussi bien des ministres que des membres de la famille présidentielle et bientôt impériale. Or, le malheureux a omis de rapporter une visite de Catherine à une de ses amies. C'est d'autant plus regrettable que Bokassa n'apprécie pas du tout cette amie. Le chauffeur reçoit un tel coup de canne qu'il en meurt. (André Baccard, Les martyrs de Bokassa, Seuil, 1987 ; Didier Bigo, Pouvoir et obéissance en Centrafrique, Karthala, 1980). Sa prise de pouvoir le 22 juillet 1977, est marquée par environ 500 exécutions. 22 autres le mois suivant, dont son cousin et vice premier ministre Adnan Hussein. En 1980, il attaque l'Iran, début d'une guerre sanglante qui durera 8 ans. Les forces irakiennes profitent d'abord de la désorganisation de leur adversaire pour gagner du terrain, mais la détermination et la supériorité numérique adverse les obligent à reculer. Saddam se résigne à une guerre défensive, utilisant massivement les gaz, y compris sur ses propres troupes, à chaque fois qu'une portion du front est menacée. Une stratégie qui finit par payer, puisque l'Irak résiste, et même, en 1988, réussit à contre-attaquer victorieusement, imposant la fin des hostilités. Cette guerre n'est pas encore finie quand, en mars 1988, 5000 Kurdes sont tués par une attaque au gaz à Halabja. Début 1990, le journaliste anglais, d'origine iranienne, Farzad Barzoft, est exécuté pour espionnage. 2 août 1990, invasion surprise du Koweit, suivie d'une prise d'otages occidentaux. Début 1991, guerre du Golfe. Juillet 1991, 18 généraux exécutés pour complot. Mai-juin 1995, 180 morts dans la répression d'une révolte. Juillet 1995, 20 exécution d'officiers pour complot. 150 tués dans la répression d'une mutinerie à Abou Ghaib. 1996, les deux gendres de Saddam, qui avaient fui le pays, croient pouvoir y revenir et sont exécutés.
Soit une moyenne de six ans. Il ne s'agit pas de juger, ni d'excuser, ni surtout pas de voir une corrélation systématique (on trouvera facilement des contre-exemples dans les deux sens). Et bien entendu, beaucoup d'entre eux ont aussi joué un rôle positif. Néanmoins, essayez donc de produire une brochette aussi massacrante avec d'autres personnes ayant perdu leur père à l'âge adulte. Quant à l'explication, elle a déjà fait travailler les psy.
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