10 avril 2010

Le Contre-Apion de Josèphe

L'expérience universelle semble montrer que la mise en évidence des zones d'ombre des origines d'une religion ne tue pas cette religion, mais tend à l'empêcher de tomber dans l'intégrisme et l'intolérance...

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A propos de l'histoire des plaies d’Égypte et de l’Exode, on a aussi la version égyptienne, en plusieurs variantes rapportées pour les réfuter par Flavius Josèphe dans son Contre Apion. Et si elle est bien différente, et particulièrement malveillante pour les Juifs, il y est aussi question d’une maladie infectieuse ! D’abord Manéthon (que l’on ne connaît d’une manière générale que par des citations d’autres auteurs) :

Il prend la liberté, sous prétexte de raconter les fables et les propos qui courent sur les Juifs, d’introduire des récits invraisemblables et veut nous confondre avec une foule d’Égyptiens lépreux et atteints d’autres maladies, condamnés pour cela, selon lui, à fuir l’Égypte.

Ce qui sera encore aggravé par un autre auteur égyptien :

D’après lui [Lysimaque], sous Bocchoris, roi d’Égypte, le peuple juif atteint de la lèpre, de la gale et d’autres maladies, se réfugia dans les temples, et y mendiait sa vie. Comme un très grand nombre d’hommes étaient tombés malades, il y eut une disette en Égypte.

Sur indication d’un oracle, les lépreux et les galeux sont noyés et les autres Juifs (on ne sait pas très bien ce que représentent les Juifs dans ce contexte), considérés comme également impurs, sont chassés dans le désert pour qu’ils périssent. Sauf que :

Ceux-ci s’assemblèrent, délibérèrent sur leur situation ; la nuit venue, ils allumèrent du feu et des torches, montèrent la garde, et, la nuit suivante, après un jeûne, ils prièrent les dieux pour leur salut. Le lendemain, un certain Moïse leur conseilla de suivre résolument une seule route jusqu’à ce qu’ils parvinssent à des lieux habités et leur prescrivit de n’avoir de bienveillance pour aucun homme, ni de jamais conseiller le meilleur parti, mais le pire, et de renverser les temples et les autels des dieux qu’ils rencontreraient.

Et donc les autorités égyptiennes, loin de retenir à toute force les Juifs comme le veut l’Exode, les auraient finalement chassés parce que contaminés, ou impurs en lien (pas forcément clair) avec une maladie contagieuse ! Les autres versions citées et condamnées par Josèphe vont dans le même sens, même s’il ne manque pas de souligner leurs contradictions. On trouvera encore cette histoire dans un étrange ouvrage du dix-septième siècle, vaguement inspiré de Spinoza, et qui a beaucoup circulé, plus ou moins sous le manteau, tout au long du siècle suivant. C’est le Traité des trois imposteurs (comprendre : Moïse, Jésus et Mahomet).

Le célèbre Moïse, petit-fils d’un grand magicien, au rapport de Justin Martyr, s’étant rendu chef des Hébreux, que l’on chassa d’Égypte par édit, parce qu’ils infectaient tout le pays de rogne et de lèpre dont ils étaient gâtés, fut un de ceux qui suèrent avec le plus d’adresse de ce stratagème. Après six jours de marche dans une pénible retraite, il commanda à ces misérable bannis de consacrer le septième à Dieu, par un repos public, afin de leur faire croire que ce Dieu le favorisait.

Flavius Josèphe, Contre Apion, Les Belles Lettres, 1972, p56-58.
Traités des trois imposteurs Moïse, Jésus, Mahomet, Max Milo Éditions, 2002, p62.



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