"Qu'on les égorge en ma présence"
(Luc, 19, 27)
Une parabole, vraiment ?
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Quant à mes ennemis, ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence. (Luc, 19, 27). Comment,
donc, rendre compte à la fois de "Heureux les pacifiques…"
"Tends l'autre joue…" etc. et de "Je ne suis
pas venu apporter la paix mais l'épée…"
"Quant à mes ennemis…" etc. ? "Sympathiques, séduisants, réservés ou carrément tyranniques, les manipulateurs empruntent différentes attitudes, utilisent diverses manœuvres pour parvenir à leurs fins. Agissant en douceur, nous flattant et nous charmant par leurs paroles, ces proches - parents, conjoint, connaissances, collègues de travail - parviennent par ailleurs à nous culpabiliser et à nous dévaloriser, à semer en nous le doute et le malaise…" (opus cité, quatrième de couverture). Bien
sûr, ce serait trop facile s'il n'y avait que de purs manipulateurs
et de purs non manipulateurs, comme ce serait trop facile si les
associations religieuses ou autres étaient toutes ou purement
sectaires ou purement non sectaires. Néanmoins, on admettra
qu'il y a des personnes plus manipulatrices que d'autres, comme
des organisations plus sectaires (donc manipulatrices, à
un autre niveau) que d'autres. "Il
culpabilise les autres"
Race de vipères, comment pourriez-vous dire de bonnes choses,
méchants comme vous l'êtes… (Matthieu, 12, 34).
Pour cette dernière, le contexte ne mentionne aucune opposition, encore moins d'hostilité, seulement l'incapacité des disciples à guérir un possédé… Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l'œil de ton frère (Matthieu, 7, 5).
Que cette dernière sentence renferme une sagesse profonde,
c'est indéniable, mais ce n'est pas incompatible avec la
manipulation. "Il
sème la zizanie" Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée. Car je suis venu mettre la division entre l'homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l'homme aura pour ennemis les gens de sa maison… (Matthieu, 10, 34-36). Mais
c'est tellement gros qu'on a envie de la laisser.
Les dix, ayant entendu cela, commencèrent
à s'indigner contre Jacques et Jean. Jésus les appela,
et leur dit : Vous savez que ceux qu'on regarde comme les chefs
des nations les tyrannisent, et que les grands les dominent. Il
n'en est pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut
être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur… (Marc,
10, 41-44). J'ai cité cet exemple dans le cadre de la zizanie, mais il pourrait tout aussi bien servir à illustrer la dévalorisation ou le mépris des besoins des autres, autres comportements typiques d'un manipulateur (voir ci-après). Les manipulations sont bien souvent à multiples ressorts. "Le
manipulateur et la dévalorisation" Suit
une série de malédictions sans appel sur les malheureux
Pharisiens. Puis, se tournant vers la femme, il dit à Simon : Vois-tu cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m'as point donné d'eau pour laver mes pieds ; mais, elle les a mouillés de ses larmes… (Luc, 7, 44). Les manipulateurs raffolent de ce genre de comparaisons. Dans les exemples précédents, il pouvait y avoir une intention pédagogique. On aura du mal à la trouver dans le suivant. Jésus, étant parti de là, s'en alla dans le territoire de Tyr et de Sidon. Il entra dans une maison, désirant que personne ne le sût ; mais il ne put rester caché. Car une femme, dont la fille était possédée d'un esprit impur, entendit parler de lui, et vint se jeter à ses pieds. Cette femme était grecque, syro-phénicienne d'origine. Elle le pria de chasser le démon hors de sa fille. Jésus lui dit : Laisse d'abord les enfants se rassasier ; car il n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. Oui, Seigneur, lui répondit-elle, mais les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des enfants. Alors il lui dit : A cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille (Marc, 7, 24-29). Les enfants, ici, ce sont les Juifs, les chiens, ce sont les Païens. Personne n'a proposé d'autre interprétation à ce passage (en envoyant pour la première fois ses apôtres en mission, Jésus avait spécifié qu'ils ne devaient s'intéresser qu'aux Juifs). Et assimiler des êtres humains à des animaux est bien la dévalorisation la plus universelle qui soit. Et aucune hostilité ne la justifie puisque cette femme présentait une demande on ne peut plus respectueuse, et Jésus va finalement exaucer sa prière. Enfin, j'ai du mal à ne pas voir une dévalorisation caricaturale dans la célèbre sentence : Je vous le dis en vérité, si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Transporte-toi d'ici là, et elle se transporterait… (Matthieu, 17, 20). "Pauvre
manipulateur !" Les fils de Zébédée, Jacques et Jean, s'approchèrent de Jésus, et lui dirent : Maître, nous voudrions que tu fisses pour nous ce que nous te demanderons. Il leur dit : Que voulez-vous que je fasse pour vous ? Accorde-nous, lui dirent-ils, d'être assis l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, quand tu seras dans ta gloire. Jésus leur répondit : Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire, ou être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? (Marc, 10, 35-38).
On me taxera de beaucoup d'audace, et même d'impudence, d'invoquer
la prédiction par Jésus de sa propre mort comme exemple
de plainte pour dominer son monde. Il n'empêche, dans cet
épisode et dans d'autres il l'utilise effectivement ainsi. Rappelons aussi le : "… Jusqu'à quand vous supporterai-je ?" (Matthieu, 17, 17, cité plus haut pour la culpabilisation), lancé hors de tout contexte polémique, simplement parce que ses disciples n'avaient pu résoudre un cas particulier de possession. "Jusqu'à quand vous supporterai-je ?" ou toute formule similaire ("j'en ai marre de toi…"), est typique du discours d'un manipulateur, même et surtout s'adressant à des gens qui ne cherchaient en rien à le contrarier, même et surtout s'adressant à des gens qu'il s'attache de toutes les façons possibles. A la limite, cette seule question devrait suffire à soupçonner Jésus de manipulation systématique. Jésus lui répond : "Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l'homme, lui, n'a pas où reposer la tête." (Matthieu, 8, 20). "Il
change ses opinions et ses comportements"
Mais moi, je vous dis que quiconque se met
en colère contre son frère mérite d'être
puni par les juges ; que celui qui dira à son frère
: Raca ! mérite d'être puni par le Sanhédrin
; et que celui qui lui dira : Insensé ! mérite d'être
puni par le feu de la Géhenne. (Matthieu, 5, 22). "Il
ne tient pas compte des besoins des autres" Un autre d'entre les disciples lui dit : Seigneur, permets-moi d'aller d'abord ensevelir mon père. Mais Jésus lui répondit : Suis-moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts. (Mathieu, 8, 21-22).
Là, les exégètes placent se placent toujours
sur le plan du symbole, de l'enseignement. Quand on est touché,
porté par le souffle du divin, de la Valeur Suprême,
plus rien d'autre ne doit compter. Soit. Mais on nous dit par ailleurs
que c'est une histoire substantiellement, certains disent même
absolument, authentique. Et dès lors essayez de vous représenter
la scène, ce malheureux qui vient de perdre son père,
à qui sa religion, comme toutes les religions, dit qu'il
a des devoirs impérieux à lui rendre. Et si vraiment
une situation d'urgence non spécifiée exigeait la
présence de cet homme et passait avant ses devoirs de fils,
on pouvait le lui expliquer. Jésus sait être didactique
quand il faut. Mais non, "laisse les morts enterrer leurs morts…".
Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel. Ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n'amassent rien dans les greniers ; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ? Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée de plus à la durée de sa vie ? Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? (Matthieu, 6, 25-28). A propos d'habillement, une parabole montre indirectement que Jésus ne s'en désintéressait pas toujours. Il y est question d'un roi qui invite le tout-venant à une noce : (…) Le roi entra alors pour examiner les convives, et il aperçut là un homme qui ne portait pas la tenue de noce. Mon ami, lui dit-il, comment es-tu entré ici sans avoir une tenue de noce ? L'autre resta muet. Alors le roi dit aux valets : Jetez-le, pieds et poings liés… (Matthieu, 22, 11-12). Ailleurs : La mère et les frères de Jésus vinrent le trouver ; mais ils ne purent l'aborder, à cause de la foule. On lui dit : Ta mère et tes frères sont dehors, et ils désirent te voir. Mais il répondit : Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique… (Matthieu, 12, 46-50, Marc, 3, 31-35) Nous n'entrerons pas dans la vieille discussion de savoir si les "frères" étaient ou non les fils de la mère, également présente. Il y a bien là une application du critère "Il ne tient pas compte des besoins des autres". Le besoin de voir de temps en temps son frère ou son enfant ne passe pas pour monstrueux.
Manipulation : les apôtres
Manipulations : promesses non tenues Ceux qui croient au Christ font un crime aux Juifs de n'avoir pas reçu Jésus pour Dieu. Comment donc, nous qui avions appris à tous les hommes que Dieu devait envoyer ici-bas le ministre de sa justice pour punir les méchants, comment l'eussions-nous outragé à sa venue ? Eût-il été expédient de traiter avec ignominie celui dont nous avions prédit l'avènement ? Dans quel but ? Afin d'attirer sur nous un surcroît de colère divine ? Mais comment recevoir pour Dieu celui qui, entre autres griefs qu'on lui adressait, ne fit rien de ce qu'il avait promis ? Qui, convaincu, jugé, condamné au supplice, se sauva honteusement, et fut pris grâce à la trahison de ceux-là mêmes qui se nommaient ses disciples ? Etait-ce d'un Dieu de se laisser lier, emmener comme un criminel ? Bien moins encore convenait-il qu'il fut abandonné, trahi par ses familiers… Bien sûr on ne voit pas clairement à quoi fait référence le fragment souligné par moi, "ne fit rien de ce qu'il avait promis". Pas plus qu'on ne trouve trace d'une fuite honteuse après une condamnation dans les Evangiles. Mais dans le reste Celse suit d'assez près les récits évangéliques et se vante d'ailleurs : En tout cela nous n'avons rien tiré que de vos propres Ecritures : nous n'avons que faire d'autres témoignages contre vous. Vous vous réfutez assez vous-mêmes. Et donc c'est des écrits chrétiens qu'il affirme tenir cette conviction que Jésus ne tenait pas ses promesses. |