Ben quoi, c'est un roman... avril 2009, sélection modifiée juin 2009
|
|||
Extraits
(à droite, autre fil conducteur et il y en a aussi ici)
— Bon, alors écoute bien ce qu’Arthur m’a dit, et que je n’ai pas vraiment cru sur le moment. Il était dans ce fameux… Parcours, avec cette fameuse Sylvie. À un certain moment il a refusé, et elle a fini par accepter, de se déshabiller. Complètement, devant tous les participants hommes ou femmes. Quand il l’a quittée parce que lui, on le renvoyait d’où il venait, elle était à poil, comme d’autres avec elle, prêts à s’embarquer pour un endroit. Ils appellent ça île, ou cité, rien à voir avec Paris, de la Vie. On y suit une initiation qui dure des années, et en fait on n’a vu personne raconter ce qui s’y passe. (...) (p17) — (...) D’abord, cette histoire de secte est très fumeuse, pour ne pas dire abracadabrante. La fameuse Sylvie, j’en ai entendu parler, figure-toi, et c’était une toute autre version, et le mari est bien jobard. Mais imaginons que ce soit vrai, qu’on te demande de te mettre à poil en public, qu’on demande à n’importe qui de se mettre à poil devant toi. J’ose espérer que même sans cet avertissement bizarre tu vas refuser ! (...) (p20) (...) Aie ! Tout se complique. On m’avait fixé une ligne simple, ne pas me déshabiller physiquement pour éviter les ennuis. Mais si c’est moral, la ligne rouge devient autrement plus floue, donc plus menaçante. À partir de combien de confidences, d’aveux plus ou moins déchirants, serai-je moralement à poil, et du coup vulnérable à tous les lavages de cerveau, à tous les embarquements immédiats pour le monde de la perfection sur les traces de Sylvie ? Pourtant Arthur ne parlait pas de déshabillage moral, ou Arielle aurait-elle mal compris ? D’un autre côté, il est absurde de penser qu’un déshabillage physique peut vous conduire pieds poings et volonté liés là où vous n’aviez jamais souhaité aller. Alors qu’un lavage de cerveau suppose d’abord de vider, donc d’exprimer, ce qui se trouve en trop dans le cerveau. (p31)
(...) Un
frisson
d’horreur
général est la première
réponse à ce blasphème inattendu. La
Maîtresse, indignée :
—
Je vois que tu es un peu conscient des
enjeux, et pourtant tu allais dire oui… Et des bruits de pas et chuchotements,
derrière un buisson, m’apprennent que
très probablement on nous a écoutés.
(...) Je
sais déjà qu’il me sera très
difficile de
résister, et pourtant je pressens encore un
piège, ou la suite du même piège.
Me dénuder n’a pas pu détruire ma
volonté, mais facilite autre chose, qui
facilitera encore autre chose. Sylvie a dû se laisser tenter
par un joli
malabar. Les avertissements deviennent plus cohérents, le
danger se rapproche…
peut-être. (p176)
— Je dois partir pour la Vie !
|
— Mais puisque nous avons commencé
à parler des
Gardiens, continuons. Il arrive que des participants arrivent ici avec
d’étranges idées. Lors du dernier
Parcours, il y a une semaine, il y avait un
frère, matérialiste endurci malgré de
nombreuses séances de vérité, qui
soutenait que les Gardiens, ça n’existe pas.
C’était pour lui comme le Bon Dieu
ou le Père Noël, un langage des illusions. Il
admettait que ça pouvait aider
certains à progresser, mais à lui on ne la
faisait pas. De son côté, une sœur
également ancienne et matérialiste
était convaincue que les Gardiens existent,
mais sont purement humains, issus du Mouvement, des sortes de
superviseurs
chargés notamment de vérifier les bonnes
dispositions des candidats à la Vie.
On les a laissés continuer à le croire pendant
vingt-quatre heures, et puis les
Gardiens se sont chargés, spectaculairement, de leur montrer
leurs erreurs, et
ils n’étaient plus du tout
matérialistes en repartant. Je ne vous dirai pas comment,
en tout cas pas avant que vous ayez aussi rencontré vos
Gardiens… si vous les
rencontrez. (p42) — Qui êtes vous, ou qu’êtes vous ? — Vous connaissez la parabole de l’éléphant, des aveugles doivent aller palper un éléphant pour savoir ce que ça peut bien être. Le premier touche une défense, et revient dire que l’éléphant est une pointe dure, un autre rencontre une oreille, et soutient que l’éléphant est une feuille souple, et ainsi de suite. Considérez que nous sommes un tout petit bout de poil de cet éléphant que d’autres appellent présomptueusement Dieu, ou Dharma, ou Tao, ou Soi, ou bien d’autres noms et conceptions que nous apprécions plus ou moins. — Ne pourriez-vous pas faire un peu plus d’efforts ? — Pardon ? — Le monde n’est pas joli, joli, je me souviens d’un humoriste, Woody Allen il me semble, qui a dit quelque chose comme : “Si Dieu existe, j’espère qu’il a une bonne excuse…” — Peut-être mesurerez-vous un jour l’énormité et la sottise de ce que vous venez de proférer. Pour cette fois, c’était sincère de votre part et il n’y aura pas de conséquences. Je vous conseille fortement de ne pas y revenir. — Pourriez-vous néanmoins m’expliquer… enfin, je ne sais pas, moi, pourquoi y a-t-il tellement d’horreurs ? — Savez-vous donc d’où viennent et que deviennent le bien et le mal, la jouissance et la souffrance, le beau et le moche ? — Je ne demande qu’à m’instruire. — C’est une demande légitime, mais je dois vous mettre en garde : plus de connaissances, c’est plus de responsabilités ! — S’il y a les pouvoirs qui vont avec… — Quels pouvoirs ? Il y a des volontés qui se conforment à des lois, des lois conçues par des volontés, et ainsi de suite. Prétendriez-vous remonter jusqu’à la Source Suprême ? — Heu… — Je vous déconseille d’interroger plus avant là-dessus, vous n’y êtes pas prêt. Question suivante ? (...) (p88) — C’est ce que j’ai commencé par croire, mais j’ai justement posé la question, celle que tu n’as pas dû poser, et le Gardien m’a vite détrompée. Ce qui nous unit, que nous le voulions ou non, n’est pas l’amour, ni rien qu’on puisse désigner par aucun mot d’aucune langue humaine. Tout n’est pas écrit d’avance. Où seraient la liberté, et le bien, et le mal, si tout était écrit d’avance ? Où seraient la liberté, et le bien, et le mal, si rien n’était écrit d’avance et si n’importe quoi pouvait générer n’importe quoi n’importe comment ? (...) (p124) (...) Sais-tu que des pierres assez grosses pour te tuer net ont roulé juste à côté ? — Vraiment ? — Je suis du Mouvement, je ne peux pas mentir ni même exagérer. Il y en avait une comme ça ! Tu vas finir par me faire croire aux Gardiens ! — Tu n’y crois pas ?? — Ben non, je suis un oiseau rare, un ancien du Mouvement qui n’y croit pas, ou qui croit à des hallucinations ou des faux souvenirs. Donc tu es un nouveau qui y croit ! Amusant, non ? — Je ne suis pas du Mouvement ! — C’est juste, et encore plus amusant. Tu m’es sympathique, je te raconterai, si j’ai le temps, quelques histoires de gens qui ont écouté les élucubrations de leurs Gardiens plutôt que le simple bon sens, et qui s’en sont très mal trouvés. (p157) — Peu importe, fait Arielle, nous ne pouvons être séparés durablement donc les Gardiens doivent se charger de te faire mourir d’un cancer, ou dans un incendie, un accident, un attentat, que sais-je… il suffit de leur faire confiance… (p231)
|
|
![]() |
retour |