Ben quoi, c'est un roman...                  avril 2009, sélection modifiée juin 2009

Fatigué d'accumuler les refus d'éditeurs haut de gamme, et encouragé par quelques lecteurs individuels, j'ai édité le roman Le langage des illusions (inspirations, Jaroslav Hasek, Franz Kafka, Marcel Aymé, Jorge-Luis Borges, Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane, pardon à ceux que j'oublie) chez Paulo-Ramand. Ci-dessous quelques extraits. On peut essayer de deviner le reste, on peut me le demander aussi (n'attendez quand même pas tout...). On peut bien sûr le commander sur fnac.com ou amazon.fr ou alors me consulter.

Extraits
(à droite, autre fil conducteur
et il y en a aussi ici)


     Bon, alors écoute bien ce qu’Arthur m’a dit, et que je n’ai pas vraiment cru sur le moment. Il était dans ce fameux… Parcours, avec cette fameuse Sylvie. À un certain moment il a refusé, et elle a fini par accepter, de se déshabiller. Complètement, devant tous les participants hommes ou femmes. Quand il l’a quittée parce que lui, on le renvoyait d’où il venait, elle était à poil, comme d’autres avec elle, prêts à s’embarquer pour un endroit. Ils appellent ça île, ou cité, rien à voir avec Paris, de la Vie. On y suit une initiation qui dure des années, et en fait on n’a vu personne raconter ce qui s’y passe. (...) (p17)

      (...)  D’abord, cette histoire de secte est très fumeuse, pour ne pas dire abracadabrante. La fameuse Sylvie, j’en ai entendu parler, figure-toi, et c’était une toute autre version, et le mari est bien jobard. Mais imaginons que ce soit vrai, qu’on te demande de te mettre à poil en public, qu’on demande à n’importe qui de se mettre à poil devant toi. J’ose espérer que même sans cet avertissement bizarre tu vas refuser ! (...)  (p20)

         (...) Aie ! Tout se complique. On m’avait fixé une ligne simple, ne pas me déshabiller physiquement pour éviter les ennuis. Mais si c’est moral, la ligne rouge devient autrement plus floue, donc plus menaçante. À partir de combien de confidences, d’aveux plus ou moins déchirants, serai-je moralement à poil, et du coup vulnérable à tous les lavages de cerveau, à tous les embarquements immédiats pour le monde de la perfection sur les traces de Sylvie ? Pourtant Arthur ne parlait pas de déshabillage moral, ou Arielle aurait-elle mal compris ? D’un autre côté, il est absurde de penser qu’un déshabillage physique peut vous conduire pieds poings et volonté liés là où vous n’aviez jamais souhaité aller. Alors qu’un lavage de cerveau suppose d’abord de vider, donc d’exprimer, ce qui se trouve en trop dans le cerveau. (p31)

       (...) Un frisson d’horreur général est la première réponse à ce blasphème inattendu. La Maîtresse, indignée : 
     — Non Laure ! On ne t’a pas menti ! Seulement il est normal, à ce stade, de parler à chacune et chacun le langage de ses illusions du moment…
      Le langage de mes illusions ! Elle est excellente, celle-là ! Et quand on nous propose de nous emmener dans un endroit où on sera à l’abri de la pollution, du mensonge et de la méchanceté, qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas le langage de mes illusions ?  (...) (p68)

   — Je vois que tu es un peu conscient des enjeux, et pourtant tu allais dire oui…
    — Oui, j’allais dire oui, et oui j’étais conscient des implications possibles.
      — Et si ta volonté t’échappait sur un point comme celui-là, elle allait encore t’échapper sur autre chose de bien plus sérieux et définitif. As-tu une idée de ce qui t’a poussé ?  (p92)


  Et des bruits de pas et chuchotements, derrière un buisson, m’apprennent que très probablement on nous a écoutés.
       Il me revient subitement cette phrase d’un roman de Kawabata, pour je ne sais plus quoi de soudain, de fatal, d’irréversible : « La guerre, ce doit être comme cela »… (p95)


      J’aurais dû m’en douter. Le principe, comme le matin, est de nous inciter mutuellement à détester ce monde dit « des morts », à en désespérer, à nous préparer à le fuir, à nous en affranchir. Bref, à suivre Sylvie et tous les autres, sans se retourner. (p120)

         (...) Je sais déjà qu’il me sera très difficile de résister, et pourtant je pressens encore un piège, ou la suite du même piège. Me dénuder n’a pas pu détruire ma volonté, mais facilite autre chose, qui facilitera encore autre chose. Sylvie a dû se laisser tenter par un joli malabar. Les avertissements deviennent plus cohérents, le danger se rapproche… peut-être. (p176)

 

  — Je dois partir pour la Vie !
       — Arielle, habille-toi !
     
— Non ! Je dois partir ! Je suis destinée à vivre là-bas, si c’est un paradis j’y ai droit, si c’est un enfer je le mérite ou plutôt c’est à moi de le changer en paradis ou alors de le dénoncer (...). (p217)



     


    — Mais puisque nous avons commencé à parler des Gardiens, continuons. Il arrive que des participants arrivent ici avec d’étranges idées. Lors du dernier Parcours, il y a une semaine, il y avait un frère, matérialiste endurci malgré de nombreuses séances de vérité, qui soutenait que les Gardiens, ça n’existe pas. C’était pour lui comme le Bon Dieu ou le Père Noël, un langage des illusions. Il admettait que ça pouvait aider certains à progresser, mais à lui on ne la faisait pas. De son côté, une sœur également ancienne et matérialiste était convaincue que les Gardiens existent, mais sont purement humains, issus du Mouvement, des sortes de superviseurs chargés notamment de vérifier les bonnes dispositions des candidats à la Vie. On les a laissés continuer à le croire pendant vingt-quatre heures, et puis les Gardiens se sont chargés, spectaculairement, de leur montrer leurs erreurs, et ils n’étaient plus du tout matérialistes en repartant. Je ne vous dirai pas comment, en tout cas pas avant que vous ayez aussi rencontré vos Gardiens… si vous les rencontrez. (p42)



       
Qui êtes vous, ou qu’êtes vous ?
   
Vous connaissez la parabole de l’éléphant, des aveugles doivent aller palper un éléphant pour savoir ce que ça peut bien être. Le premier touche une défense, et revient dire que l’éléphant est une pointe dure, un autre rencontre une oreille, et soutient que l’éléphant est une feuille souple, et ainsi de suite. Considérez que nous sommes un tout petit bout de poil de cet éléphant que d’autres appellent présomptueusement Dieu, ou Dharma, ou Tao, ou Soi, ou bien d’autres noms et conceptions que nous apprécions plus ou moins.
   
     — Ne pourriez-vous pas faire un peu plus d’efforts ?
         
Pardon ?
    
Le monde n’est pas joli, joli, je me souviens d’un humoriste, Woody Allen il me semble, qui a dit quelque chose comme : “Si Dieu existe, j’espère qu’il a une bonne excuse…”
   
Peut-être mesurerez-vous un jour l’énormité et la sottise de ce que vous venez de proférer. Pour cette fois, c’était sincère de votre part et il n’y aura pas de conséquences. Je vous conseille fortement de ne pas y revenir.
     
Pourriez-vous néanmoins m’expliquer… enfin, je ne sais pas, moi, pourquoi y a-t-il tellement d’horreurs ?
       
Savez-vous donc d’où viennent et que deviennent le bien et le mal, la jouissance et la souffrance, le beau et le moche ?
         
Je ne demande qu’à m’instruire.
       
C’est une demande légitime, mais je dois vous mettre en garde : plus de connaissances, c’est plus de responsabilités !
         
S’il y a les pouvoirs qui vont avec…
       
Quels pouvoirs ? Il y a des volontés qui se conforment à des lois, des lois conçues par des volontés, et ainsi de suite. Prétendriez-vous remonter jusqu’à la Source Suprême ?
         
Heu…
    
Je vous déconseille d’interroger plus avant là-dessus, vous n’y êtes pas prêt. Question suivante ? (...) (p88)



       — C’est ce que j’ai commencé par croire, mais j’ai justement posé la question, celle que tu n’as pas dû poser, et le Gardien m’a vite détrompée. Ce qui nous unit, que nous le voulions ou non, n’est pas l’amour, ni rien qu’on puisse désigner par aucun mot d’aucune langue humaine. Tout n’est pas écrit d’avance. Où seraient la liberté, et le bien, et le mal, si tout était écrit d’avance ? Où seraient la liberté, et le bien, et le mal, si rien n’était écrit d’avance et si n’importe quoi pouvait générer n’importe quoi n’importe comment ? (...)  (p124)




(...) Sais-tu que des pierres assez grosses pour te tuer net ont roulé juste à côté ?
        — Vraiment ?
     — Je suis du Mouvement, je ne peux pas mentir ni même exagérer. Il y en avait une comme ça ! Tu vas finir par me faire croire aux Gardiens !
         — Tu n’y crois pas ??
     — Ben non, je suis un oiseau rare, un ancien du Mouvement qui n’y croit pas, ou qui croit à des hallucinations ou des faux souvenirs. Donc tu es un nouveau qui y croit ! Amusant, non ?
       — Je ne suis pas du Mouvement !
     — C’est juste, et encore plus amusant. Tu m’es sympathique, je te raconterai, si j’ai le temps, quelques histoires de gens qui ont écouté les élucubrations de leurs Gardiens plutôt que le simple bon sens, et qui s’en sont très mal trouvés. (p157)



   
Peu importe, fait Arielle, nous ne pouvons être séparés durablement donc les Gardiens doivent se charger de te faire mourir d’un cancer, ou dans un incendie, un accident, un attentat, que sais-je… il suffit de leur faire confiance… (p231)


           

 

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