23 août 2002 

Mahmoud Muhammad Taha, martyr de l'Islam tolérant



Encore un extrait d'un livre qui cherche éditeur...

Retour Intégrismes
Retour à l'accueil général

 

 
Mahmoud Muhammad Taha (photo ci-contre) naît vers 1909 dans une modeste famille du Soudan alors colonie britannique. Sa mère décède en 1915, son père en 1920, et il est alors recueilli par une tante qui le fait étudier. Il devient ingénieur, travaille un temps pour les chemins de fer puis se mets à son compte et, à la fin des années 1930, milite pour l'indépendance du pays.

 

En 1945 il fonde avec quelques autres intellectuels un Parti Républicain, nettement à gauche, ce qui lui vaut deux ans d'emprisonnement. Mais il ne sera pas un martyr de l'indépendance, proclamée au début de 1956. Dès cette époque, il développe une vision de l'Islam qui suscite bien des haines. Il part d'un constat, que n'importe qui peut faire et que nul ne peut sérieusement contester : il y a deux catégories bien distinctes de textes dans le Coran.

Ouvrons une parenthèse. C'est Othman, le troisième calife, qui a décidé d'établir le texte définitif du Coran. Auparavant, on trouvait des notes disparates, prises à la volée et sans beaucoup de concertation (d'autant que les "révélations" survenaient à l'improviste) par les différents compagnons du Prophète, et ce que les uns et les autres avaient pu mémoriser. Or les témoins directs ne pouvaient que se raréfier puis disparaître avec le temps. Othman, donc, décida de fixer d'autorité le texte. Après quoi il fit détruire systématiquement les versions antérieures, et provoqua un scandale en faisant fouetter un proche du Prophète pour avoir tenté de conserver ses notes personnelles. C'est donc Othman qui eut cette curieuse idée de classer les cent quatorze sourates non par ordre chronologique, non par thème, mais par longueur décroissante (sauf la première, la Fatiha, qui est aussi une des plus courtes). On trouve donc dans un certain désordre les textes révélés à La Mecque, quand les Musulmans constituaient une minorité persécutée, et ceux révélés à Médine, quand le Prophète dirigeait d'une main de fer un état centralisé. Entre les deux, l'esprit, le ton, l'ambiance, les jugements, sont très différents (à quelques exceptions près toutefois, puisque des sourates ont été révélées à La Mecque après la prise de cette ville par l'Islam, ainsi la XXXXVII et son fameux "Tuez [les Infidèles] et faites en un grand carnage..."). Ouverture et élévation d'esprit d'un côté, rigorisme, autoritarisme et intolérance de l'autre.

C'est de ce constat incontournable par lui-même qu'est parti Taha. À l'encontre des islamistes déjà influents dans son pays et qui mettaient en avant les sourates de Médine pour réclamer un pouvoir fort en vue d'appliquer la Charia, Taha considérait que seules les sourates de La Mecque avaient une portée universelle et restaient encore à accomplir, les autres l'ayant été à fond, dans des circonstances historiques précises et dépassées. Donc on peut par exemple considérer comme dépassés les passages médinois établissant les statuts inférieurs de la femme et des non musulmans, etc. Cette position n'a rien d'original, on peut même dire que la majorité des Musulmans, même pieux, l'ont adoptée plus ou moins implicitement. Néanmoins cela ne se dit pas. Car le rêve d'un pouvoir musulman fort se nourrit de tous les contentieux et soifs de revanche nés de la colonisation des peuples musulmans.

Donc même la très influente université Al Azhar du Caire dénonce l'"apostasie" de Taha. Et l'apostasie, d'après la Charia, cela mérite la mort. Elle viendra au bout de trente ans. En 1969 un coup d'état d'inspiration plutôt socialiste donne le pouvoir au général Nimeiry, auquel le Parti Républicain et son chef apportent longtemps un soutien mesuré. Cela n'empêche pas Taha d'être emprisonné pendant un mois en 1976 pour avoir critiqué le pouvoir saoudien et son rigorisme religieux. Or l'Arabie saoudite est aussi un bailleur de fonds vital pour le Soudan comme pour la plupart des pays musulmans pauvres.

Mais les difficultés s'accumulent pour le gouvernement, rébellion grandissante dans le sud, problèmes économiques, et à partir de 1983 Nimeiry opère un renversement d'alliance au profit des Islamistes qu'il avait jusque là combattus. Cela ne se fait pas sans concession, et parmi les concessions il y a l'établissement progressif de la Charia. Il y aura bientôt l'arrestation de la bête noire des Islamistes, Mahmoud Muhhamad Taha et de plusieurs de ses proches, officiellement pour un écrit jugé séditieux.

Cela commence le 2 janvier 1985. Quatre de ses partisans sont arrêtés à Omdurman pour avoir diffusé un tract critiquant le pouvoir. Taha organise une manifestation pacifique pour protester mais est arrêté lui-même le 7 janvier. Le procès des cinq hommes a lieu le lendemain et aboutit à une sentence de mort. On leur accorde toutefois trois jours pour se "repentir", ce qui est conforme à la Charia… mais pas, en tout cas pas encore, au code pénal soudanais. Et Taha maintient ses positions alors que ses quatre coaccusés se sauvent en acceptant de se repentir. Il est pendu le 20 janvier au matin.

Le pouvoir de Nimeiry tombera quelques semaines plus tard.

Source : http://alfikra.org/biography/english.htm

 

haut

retour accueil général