Jésus
Pacifiste
Voir le sermon dit des
Béatitudes (Matthieu, V) ainsi que le fameux "Tous
ceux qui prendront l'épée périront par
l'épée" (Matthieu, XXVI, 52).
Goût du vin
"... Car Jean-Baptiste
est venu, ne mangeant pas de pain et ne buvant pas de vin,
et vous dites : Il a un démon. Le Fils de l'Homme est
venu, mangeant et buvant, et vous dites : C'est un mangeur
et un buveur..." (Luc, VII, 33-34). Le mot rendu ici
(version Segond) par "buveur" est, dans la Vulgate (version
latine de St Jérôme), "potator",
généralement traduit par "ivrogne". Le
contexte polémique relativise l'accusation, mais
enfin c'est bien une accusation, fondée ou non,
exagérée ou non.
Guérisseur
"Ils se rendirent
à Bethsaïda ; et on amena vers Jésus un
aveugle, qu'on le pria de toucher. Il prit l'aveugle par la
main, et le conduisit hors du village ; puis il lui mit de
la salive sur les yeux, lui imposa les mains, et lui demanda
s'il voyait quelque chose. Il regarda, et dit :
J'aperçois les hommes, mais j'en vois comme des
arbres, et qui marchent. Jésus lui mit de nouveau les
mains sur les yeux ; et quand l'aveugle regarda fixement, il
fut guéri, et vit tout distinctement..." (Marc, VIII,
22-26)
Guérison à
distance
"Il y avait à
Capernaüm un officier du roi, dont le fils était
malade. Ayant appris que Jésus était venu de
Judée en Galilée, il alla vers lui, et le pria
de descendre et de guérir son fils, qui était
près de mourir. Jésus lui dit : Si vous ne
voyez des miracles et des prodiges, vous ne croyez point.
L'officier du roi lui dit : Seigneur, descends avant que mon
enfant meure. Va, lui dit Jésus, ton fils vit. Et cet
homme crut à la parole que Jésus lui avait
dite, et il s'en alla. Comme déjà il
descendait, ses serviteurs venant à sa rencontre, lui
apportèrent cette nouvelle : Ton enfant vit. Il leur
demanda à quelle heure il s'était
trouvé mieux ; et ils lui dirent : Hier, à la
septième heure. Le père reconnut que
c'était à cette heure-là que
Jésus lui avait dit : Ton fils vit." (Jean, IV,
47-53).
Prophétie
L'Evangile insiste sur
le fait que Jésus a prédit sa propre mort.
"Voici, nous montons à Jérusalem, et tout ce
qui a été écrit par les
prophètes au sujet du Fils de l'homme s'accomplira.
Car il sera livré aux païens ; on se moquera de
lui, on l'outragera, on crachera sur lui, et, après
l'avoir battu de verges, on le fera mourir..." (Luc, XVIII,
31-32).
Mais il est aussi écrit que
Jésus a prédit les terribles malheurs qui
allaient frapper sa patrie quarante ans plus tard. "Comme
Jésus s'en allait, au sortir du temple, ses disciples
s'approchèrent pour lui en faire remarquer les
constructions. Mais il leur dit : Voyez-vous tout cela ? Je
vous le dis en vérité, il ne restera pas ici
pierre sur pierre qui ne soit renversée." (Matthieu,
XXIV, 1-2). Le temple de Jérusalem a
été rasé par Titus en 70.
Trahison
"Comme il parlait
encore, voici, Judas, l'un des douze, arriva, et avec lui
une foule nombreuse armée d'épées et de
bâtons, envoyée par les principaux
sacrificateurs et par les anciens du peuple. Celui qui le
livrait leur avait donné ce signe : Celui que je
baiserai, c'est lui ; saisissez-le. Aussitôt,
s'approchant de Jésus, il dit : Salut, Rabbi, et il
le baisa..." (Matthieu, XXVI, 47-50).
Résistance à la
mort
D'après le dogme
chrétien, cette résistance est absolue et
éternelle.
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Grigori Efimovitch
Raspoutine
Pacifiste
Raspoutine a voulu
s'opposer à la déclaration de la
première guerre mondiale, alors qu'il était
cloué sur son lit, chez lui, en Sibérie, par
le coup de poignard récent d'une fanatique. Une de
ses lettres au Tsar, à ce moment : "Cher ami, je dis
encore une fois, une tempête terrifiante est sur la
Russie ; malheur et chagrin immense, nuit sans
éclaircie sur une mer de larmes sans bornes. Et
bientôt de sang ! Que dirai-je ? Je ne trouve pas les
mots. Horreur indescriptible. Je sais que tous veulent de
toi la guerre, même les fidèles, ils ne savent
pas que c'est pour la ruine. Dur est le châtiment de
Dieu : lorsqu'il ôte l'intelligence, c'est le
début de la fin. Tu es le Tsar et le père du
peuple, ne permets pas aux déments de l'emporter et
de perdre le peuple et eux-mêmes. Voilà, on
vaincra l'Allemagne, mais la Russie ? Quand on y pense, il
n'y a pas de martyre plus désolée dans tous
les siècles. Elle est toute noyée de sang.
Chagrin sans fin. Grigori."
Il a ensuite usé de son
influence (moins forte qu'on a bien voulu le dire) pour
tenter de réunir les conditions de la paix.
Il a aussi pris la défense
des Juifs, et est notamment intervenu pour faire cesser les
pogroms.
Goût du vin
Le goût
immodéré de Raspoutine pour le vin est bien
connu, et certains rapports très officiels montrent
un comportement typique d'ivrogne. Ainsi, le 9 août
1915, notre héros s'embarque à Tioumen sur le
vapeur qui doit le conduire, sur la rivière Tobol,
jusqu'à son village de Prokovskoïé. Il
s'enivre avec des soldats en permission, les convie à
déjeuner au restaurant de deuxième classe,
continue à boire, à chanter, à lancer
des histoires salaces. Le capitaine vient leur signifier que
les soldats ne sont pas admis en deuxième classe.
Raspoutine s'emporte et provoque une véritable
bagarre. Il arrivera à destination tellement saoul
qu'on le débarquera sur une télègue
(charrette russe très rustique). Ses deux filles,
venues l'attendre, le ramèneront à la
maison.
Là encore, si l'ivrognerie
est par elle-même banale, elle n'en est pas moins
exceptionnelle chez quelqu'un qui revendique aussi hautement
un statut de maître ès
spiritualité.
Guérisseur
"Vers la fin du mois
d'octobre 1907, alors que la famille impériale s'est
installée pour l'automne à Tsarskoïe
Selo, Alexis tombe en jouant dans le jardin et se plaint de
violentes douleurs à une jambe. En constatant que
l'oedème distend la peau, la tsarine Alexandra
Fedorovna est prise de panique. Les médecins,
aussitôt appelés, prescrivent des bains de boue
chaude et mettent le garçon au lit. Peine perdue. En
désespoir de cause, l'impératrice convoque
Raspoutine. C'est la première fois qu'on fait appel
à lui pour guérir un membre de la famille
impériale, mais il a déjà une
réputation de guérisseur. Il arrive au palais
à minuit, pas impressionné apparemment par
l'importance de l'intervention qu'on attend de lui.
Conformément à son habitude, il écarte
les médicaments recommandés par les
praticiens, s'assois au chevet du lit et prie. Pas une fois,
il n'effleure l'enfant de ses mains. Mais il le regarde
intensément. Sa méditation est longue,
profonde, silencieuse. L'impératrice, les nerfs
crispés, se retient de l'interrompre. Peu à
peu, Alexis cesse de gémir et se détend. Quand
Raspoutine le quitte, le garçon est redevenu
tranquille. Le lendemain matin, il sourit à sa
mère. L'oedème s'est résorbé de
lui-même. Autour du petit lit, les proches crient au
miracle."
Guérison à
distance
Le 2 octobre 1912,
l'état du petit Alexis empire soudain. Une
hémorragie interne se déclare, à
gauche, dans les régions iliaques et lombaire. La
température grimpe à 39°4 et le pouls
à 144. Les douleurs provoquées par
l'épanchement sont atroces. Cherchant la meilleure
position dans son lit, l'enfant se tourne sur le ventre et
se recroqueville en chien de fusil. Le teint livide, les
yeux exorbités, la mâchoire tremblante, il
gémit jusqu'à l'éraillement de sa voix.
Les médecins se déclarent impuissants : ils ne
peuvent intervenir sans risquer une hémorragie
fatale. 10 octobre, il reçoit les derniers
sacrements. "Quand je mourrai, élevez pour moi un
petit monument dans le parc !" 12 octobre :
télégramme de la tsarine à Raspoutine
(à Prokovskoie, à plus de mille
kilomètres).
Sa fille aînée Maria
lui lit le message. Aussitôt il se lève, passe
dans le salon où sont exposées les plus
vénérables icônes de la maison et dit
à Maria qui l'a accompagné : "Ma colombe, je
vais tenter d'accomplir le plus difficile et le plus
mystérieux de tous les rites. Il me faut
réussir. N'aie pas peur et ne laisse entrer
personne... Tu peux rester si tu veux, mais ne me parle pas,
ne me touche pas. Ne fais aucun bruit. Prie seulement."
Puis, se jetant à genoux devant les saintes images,
il s'exclame : "Guéris ton fils, Alexis, si telle est
ta volonté ! Donne-lui ma force, ô Dieu, qu'il
l'utilise pour sa guérison !" Tandis qu'il parle, son
visage est illuminé par l'extase, une sueur abondante
ruisselle sur son front et ses joues. Il halète, en
proie à une souffrance surnaturelle, et tombe
à la renverse sur le parquet, une jambe
repliée, l'autre raide. "Il semblait se
débattre contre une épouvantable agonie,
écrira Maria. J'étais certaine qu'il allait
mourir. Après une éternité, il ouvrit
les yeux et sourit. Je lui présentai une tasse de
thé refroidi qu'il but avec avidité. Quelques
instants plus tard, il était redevenu
lui-même."
Il télégraphie
à la tsarine : "La maladie n'est pas aussi grave
qu'il semble. Que les médecins ne le fassent pas
souffrir." Le lendemain, la fièvre tombe,
l'hématome commence à se
résorber.
(Henri Troyat, Raspoutine,
Flammarion, 1996).
Prophétie
Le 15 décembre
1916, Raspoutine aurait adressé au Tsar la lettre
suivante : "Je pressens que je quitterai la vie avant le
premier janvier. Je veux faire savoir au peuple russe,
à Papa (le Tsar), à Maman (la Tsarine) et aux
enfants, à la Terre russe ce qu'ils doivent
entreprendre. Si je suis tué par de vulgaires
assassins, et notamment par mes frères, les paysans
russes, toi, tsar de Russie, tu n'auras rien à
craindre pour tes enfants. Ils régneront pendant des
siècles. Mais si je suis tué par des boyards,
par des nobles, et s'ils versent mon sang, leurs mains
resteront tachées par mon sang pendant vingt-cinq
ans. Ils devront quitter la Russie. Les frères
s'élèveront contre les frères, ils se
tueront entre eux et se haïront, et pendant vingt-cinq
ans, il n'y aura plus de noblesse dans ce pays. Tsar de la
terre russe, si tu entends le son de la cloche qui
t'apprendra qui Grigori a été tué,
sache que, si c'est l'un des tiens, aucun de tes enfants ne
vivra plus de deux ans. Ils seront tués par le peuple
russe..."
Prophétie suspecte,
inventée après coup comme tant d'autre ? Elle
a été signalée entre autres par Aron
Simanovitch, le secrétaire juif du staretz. Colin
Wilson, qui la rapporte, se réfère à un
historien britannique bien connu, Sir Bernard Pares, qui en
avait vu un fac-similé et croyait la lettre
authentique.
Raspoutine fut assassiné
dans la nuit du 16 au 17 décembre 1916, par le prince
Felix Youssoupov.
Le Tsar dut abdiquer en
février 1917.
Le Tsar et toute sa famille furent
massacrés le 16 juillet 1918.
La guerre civile, puis la famine,
puis le féroce régime stalinien et la
deuxième guerre mondiale, allaient décimer le
peuple russe.
Le délai annoncé de
vingt-cinq ans, devant marquer apparemment la fin de
l'épreuve, est plus difficile à
interpréter comme prophétie : vingt-cinq ans
après cette lettre, ce sera la bataille de Moscou,
événement nettement positif et
inespéré pour la Russie
néanmoins.
Maria, la fille aînée
de Raspoutine, qui allait défendre sa mémoire,
devait raconter qu'elle l'avait aussi entendu prédire
sa propre mort ("Mon heure est proche"). Que ce soit une
prophétie stricto sensu ou une prévision
réaliste compte tenu des ennemis qu'il s'était
fait, le fait est bien attesté.
Trahison
Pour Raspoutine, le
traître était donc le prince Félix
Youssoupov, qui se disait son ami et l'a invité chez
lui pour l'abattre.
Résistance à la
mort
C'est en tout cas ce
que rapporte la version la plus connue, celle de
l'assassin.
Avec le prince, quatre homme dont
un grand-duc, un député de la Douma et un
médecin attendent celui qu'ils considèrent
comme une menace pour le régime impérial et la
Russie. Youssoupov, néanmoins, se montre seul
à sa victime. Il lui fait d'abord absorber des
pâtisseries et du madère contenant assez de
cyanure pour foudroyer un bataillon. Seul effet, plusieurs
minutes après, Raspoutine se plaint de brûlures
d'estomac. Youssoupov, au bord de la crise de nerfs, le
laisse, va en discuter avec ses complices dans une autre
pièce, revient avec un revolver pour accomplir ce
qu'il estime être son devoir. Il atteint le staretz
dans la région du coeur, le voit s'écrouler.
Lazovert, le médecin qui a fourni le poison, constate
la mort. Les cinq laissent ce qu'ils croient être un
cadavre pour mettre en oeuvre la suite de leur plan. A un
moment, Youssoupov, pris d'un étrange pressentiment,
retourne voir le corps, toujours étendu.
"Et soudain Raspoutine ouvre les
yeux. Epouvanté, Félix veut fuir, mais ses
jambes se dérobent sous lui. Déjà
Raspoutine est debout, les prunelles phosphorescentes,
l'écume aux lèvres, la gorge pleine de cris.
Il hurle : "Félix ! Félix !" Et se ruant sur
lui il le saisit à la gorge..."
Le prince parvient à
s'échapper, rejoint ses amis. Ensemble ils retournent
sur les lieux du crime, juste à temps pour voir leur
victime sur le point de regagner la cour et
l'extérieur. L'un d'eux tire trois balles, dont la
dernière abat le fugitif. Définitivement cette
fois, et pourtant ils croyent nécessaire de le
bourrer de coups d'une lourde matraque plombée avant
de le jeter dans la Néva, à travers un trou
dans la glace. Le corps sera repêché quelques
heures plus tard, avec paraît-il le coeur battant
encore. Pour peu de temps il est vrai.
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