Lavage de cerveau
Ce qui suit est un extrait, didactique, d'un roman que je récris sans cesse et essaie parfois de faire éditer, pour expliquer de quoi il s'agit dans le cadre d'une discussion entre mes personnages. L'histoire de la jeune fille enlevée est celle de Colleen Stan (on peut chercher avec ce nom in English). Je l'ai découverte dans Understanding Muhammad and Muslims, d'Ali Sina (dont j'essaie de faire publier une traduction française) qui l'utilise par analogie. L'histoire des aveux maintenus est bien sûr celle de Patrick Dils (mais cela peut s'appliquer aussi à Christian Ranucci). |
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Pourquoi on parle de
« lavage de cerveau »,
alors ? ― C’est tout autre chose. Je vais te l’expliquer, on a le temps. Peut-être que ça t’évitera de tomber dans des pièges. Je t’assure que tu ne risques rien ici, mais ta vie ne fait que commencer. Le lavage de cerveau, on a commencé à en parler après la guerre de Corée, donc à partir de 1953, quand des soldats occidentaux sont revenus des camps de prisonniers communistes… et qu’ils étaient devenus des communistes fanatiques. Ils ne n’étaient pas du tout au départ. Mais pas à coup d’hypnose ou de subliminal, ou très accessoirement, ça n’aurait pas suffi. Je vais te raconter un truc, que j’ai lu récemment. ―
Dis toujours… Elle
est quand même un peu
subjuguée par lui. Il est vrai qu’il pourrait
être son père. ―
C’est une histoire véridique,
en Amérique. Une fille, pratiquement de ton âge [18 ans],
se trouvait obligée de faire
du stop. Elle n’était pas inconsciente, elle
refusait les hommes seuls. Elle ne
s’est pas méfiée d’un couple
avec un bébé… tu t’en serais
méfiée ? ―
Non… ―
Elle est restée sept ans avec
eux, sept ans. Elle était, ouvertement,
c’était le mot qu’ils employaient, leur
esclave y compris sexuelle. Surtout du mec mais un peu aussi de la
femme. Ils
pouvaient l’envoyer faire la manche sur la voie publique et
la laisser
complètement seule, elle n’en profitait pas pour
s’enfuir. Une fois, ils lui
ont permis de rendre visite à sa famille, une
journée. Et donc elle a retrouvé
ses parents, et sa sœur. Pour eux elle avait disparu depuis
longtemps, ils
n’avaient aucune nouvelle, ils l’ont revue
complètement à l’improviste. Ils ont
trouvé qu’elle n’était pas
bien, qu’elle était maigre, qu’elle ne
réagissait
pas normalement, mais ils n’ont pas osé la
questionner. Ils avaient peur de la
faire s’enfuir à nouveau, ou de la
décompenser, comme disent les psys, ou
quelque chose comme ça, ou alors ils pensaient avoir plus de
temps. Et elle est
retournée de son plein gré avec le type,
ça a duré encore plusieurs années.
Enfin, elle s’est sauvée, mais pas vraiment
d’elle-même. Le mec commençait
à la
préférer à son épouse et
donc l’épouse, jalouse, l’a
poussée à se tirer et à
rejoindre pour de bon sa famille. Elle a retrouvé peu
à peu une vie normale,
elle s’est mariée, et cetera. Mais ce
n’est pas elle qui a dénoncé le gars
à la
police, c’est la femme, en échange de
l’impunité. Pourtant, elle savait qu’il
avait au moins un meurtre, d’une autre fille moins
malléable, sur ce qui lui
servait de conscience. Et aussi, elle avait encore sur tout le corps
les traces
des décharges électriques qu’il lui
infligeait pour la punir… ―
Elle se rebiffait donc quand
même, des fois… ―
Même pas ! Il suffisait
qu’elle loupe quelque chose. Pour le faire condamner au
procès, il a encore
fallu qu’un psy vienne exposer le mécanisme du
lavage de cerveau. Parce qu’elle
ne voulait toujours pas l’accabler, des mois
après. ―
Enfin, s’il avait tué une
fille… surtout qu’ils ont encore la peine de mort,
là-bas. ―
On connait le nom de cette
fille. Elle a effectivement disparu dans des circonstances qui collent.
Mais,
la justice américaine étant
compliquée, il aurait fallu retrouver son corps
pour prouver. ―
C’était quoi, ce mécanisme de
lavage de cerveau ? ―
Pour elle, atroce. Au départ,
quelque chose comme une semaine sur une grille, dans une caisse
étroite où elle
pouvait à peine respirer, sans lumière, avec
juste un récipient pour ses
déjections. On ne la sortait que pour la frapper, la nourrir
aussi quand même,
mais après peut-être plusieurs jours. Elle
n’avait plus du tout la notion du
temps. Après, ça s’est très
progressivement et très relativement
amélioré, mais
parce qu’elle était totalement soumise,
même intérieurement. On lui disait
qu’elle était enregistrée par une
« Esclave Compagnie » qui la
retrouverait toujours, et elle l’a cru
jusqu’à ce que l’épouse de
son bourreau
lui révèle que c’était faux.
Tu admettras qu’on est très loin de ça.
―
C’est un cas extrême… et ça
peut encore venir. ―
Si vraiment ils sont capables
de ça alors nous sommes de toute façon entre
leurs mains. Enfin, tu peux me
soupçonner d’être complice, Manon aussi,
et que même José [le narrateur] se
fait
fallacieusement passer pour quelqu’un qui passait par hasard.
Lui aussi peut
penser ça de toi, d’ailleurs. Mais alors
c’est pareil. Si c’est aussi terrible
que ça, on te tient, ma petite ! Et même,
imagine, c’est comme tu le
soupçonnes. Tu crois que c’est prudent de le
dire ? Tu n’as pas peur de te
retrouver pendant des jours, toute nue, dans une caisse sans
lumière et presque
sans air pour t’apprendre à poser les bonnes
questions ? Enfin, tu vois
bien qu’on en est très loin. Pour revenir au
lavage de cerveau, sous une forme
moins extrême, le syndrome de Stockholm est bien connu, mais
il suppose quand
même une longue durée, et une contrainte. ―
J’ai lu des choses là-dessus… ―
Je me suis intéressé à une
affaire d’erreur judiciaire. Le gars avait avoué
avoir massacré deux enfants,
il avait maintenu ses aveux toute une semaine, après avoir
pu dormir, y compris
devant le juge, y compris pendant une reconstitution, y compris
même je crois
devant sa mère. Enfin, il s’est repris, il a
nié, mais il lui a fallu beaucoup
plus longtemps pour s’en sortir. Il a eu de la chance
qu’on ait trouvé le vrai
meurtrier, avec des preuves sérieuses. ―
Heu, c’est en France ? ―
Oui. ―
Récent ? ―
Je ne sais plus l’année, mais
tu étais née au moins au dernier
procès. ―
Tu veux dire qu’on lui avait
fait exprès un lavage de cerveau, à la police,
pour lui faire avouer une
horreur qu’il n’avait pas commise ??
C’est terrifiant, cette
histoire ! ―
Exprès, consciemment,
non ! Et on ne l’a pas torturé mais il y
avait bien le mécanisme qui fait
perdre tout repère temporel, et ne pas savoir du tout quand
ça finira, à force
d’être interrogé et de devoir
répéter son histoire pendant des heures et des
heures. Et ça, c’est récurrent dans les
histoires de lavage de cerveau, il doit
y avoir comme un lien entre la notion du temps et la
capacité de résister. .
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