10 mai 2005 

Millénarismes...


Dans la série, ou Dieu n'existe pas et l'intégrisme religieux est une escoquerie, ou Dieu existe et l'intégrisme religieux est un blasphème...

Retour Intégrismes
Retour à l'accueil général

 

Waco
Aum Vérité Suprême
Témoins de Jéhovah


  "Et il me montra un fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l'agneau. Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, il y avait un arbre de vie, produisant douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois, et dont les feuilles servaient à la guérison des nations. Il n'y aura plus d'anathème. Le trône de Dieu et de l'agneau sera dans la ville ; ses serviteurs le serviront et verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts. Il n'y aura plus de nuit ; et ils n'auront plus besoin ni de lampe ni de lumière, parce que le Seigneur Dieu les éclairera. Et ils régneront aux siècles des siècles..." (Apocalypse, XXII, 1-5)

L'Apocalypse a été le plus grand inspirateur de millénarismes depuis bientôt deux mille ans. Qu'est-ce qu'un millénarisme ? C'est une forme particulière d'intégrisme religieux, qui s'appuie sur un texte particulier, toujours présenté comme le dernier mot de Dieu, annonçant, pour une échéance rapprochée la fin de l'histoire. Le marxisme léninisme promettait aussi un "grand soir" pour une échéance rapprochée, et à force de le faire attendre a découragé peu à peu son public et est tombé en déliquescence. Les millénarisme y échappent en annonçant, juste avant .

"Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre, à cause des autres sons de la trompette des trois anges qui vont sonner..." (Apocalypse, VIII, 13).

Le discours se trouve donc renforcé de tout ce qui peut laisser craindre une catastrophe à l'échelle mondiale, apparaissant comme un prélude de l'"apocalypse". Ceux qui s'y raccrochent sont donc conduits, conditionnés, à guetter et à espérer le moindre signe alarmant. A l'heure où j'écris, ils sont servis... et cela renforce d'autant leur conviction et leur discours. Mais que se passe-t-il quand le délai est passé ?

Waco 

Dans les années trente, un émigré bulgare, Victor Houteff, fonde à Los Angeles une communauté adventiste du septième jour, particulièrement ardente, fanatique. Il reprend vigoureusement les thèmes messianistes quelque peu délaissés par les autres adventistes. A sa mort en 1955, son épouse reprend le flambeau et installe sa communauté à Waco, au Texas. Et elle va jusqu'à prophétiser le retour du Christ sur les nuées pour Pâques de la même année. Une centaine d'adeptes, dispersés à travers le pays, se rendent à Waco en ayant tout quitté, vendu tous leurs biens. Le jour dit, malgré trois semaines de prières, rien ne se produit. La veuve mal inspirée doit s'effacer devant un autre leader, Ben Roden, qui dirige la communauté jusqu'à sa mort en 1978.

Jusque là, il n'y avait à Waco qu'une assemblée millénariste comme on en compte des centaines à travers le monde. A partir de ce moment, le mécanisme autogène, qui tendait à s'enliser à force d'attentes déçues, s'emballe. Et puisqu'il ne peut beaucoup s'étendre par prosélytisme (la concurrence est rude, et les clients sont méfiants) il va y avoir dérive sectaire galopante, surchauffe du mécanisme.

Car c'est en 1978 qu'arrive un certain Vernon Howell. Timide au début, il prend de plus en plus d'ascendant. A partir de 1984, c'est lui qui tient les rênes. Et il instaure une discipline de fer. Tout en imposant la chasteté à ses disciples masculins, il prétend ensemencer toutes les femmes de la communauté, et ce à partir de l'âge de dix ans. En 1990, puisque la sempiternelle annonce du retour du Christ marche de moins en moins, il se proclame lui-même Christ, sous le nom de David Koresh. La bataille fatidique d'Armaguédon est donc proche, et en conséquence il stocke des armes et des vivres dans les bâtiments de Waco.

La suite a fait la une de l'actualité en son temps. Après diverses plaintes, le 28 février 1993, une descente de police tourne au drame. Accueillies par des rafales d'armes automatiques, les forces de l'ordre doivent se retirer avec six morts dans leurs rangs. Pendant sept semaines, les disciples de Koresh, prenant en otages leurs propres enfants, défient le reste du monde. Pour finir, le 19 avril, se croyant de nouveau assaillis, ils incendient leur forteresse. On en retirera soixante-douze cadavres calcinés.

Retour haut de page

Aum Vérité suprême

Né en 1955, Shoko Asahara (Chizuo Matsumoto de son vrai nom) n'avait pas fait parler de lui quand, en 1984, il fonda la société Aum, à la fois école de yoga et entreprise commerciale vendant des remèdes miracles. Ces derniers n'étaient, en fait, que de l'extrait d'écorce de mandarine. Quant au cours de yoga, voici un extrait d'une de ses publicités : "Le Maître Vénérable vous révélera les secrets de ses étonnants pouvoirs. Prédire l'avenir, lire dans les pensées d'autrui, concrétiser ses rêves, avoir une vision-radar, léviter, voyager dans la quatrième dimension, entendre la voix de Dieu..." A partir de 1987, à la suite de voyages en Inde, la firme Aum devient franchement religieuse, plus précisément bouddhiste. Du Bouddhisme, Asahara n'a retenu que les aspects les plus utilitaires. Le concept de karma est utilisé de façon très particulière : toute désobéissance au gourou dégrade le karma, et toute sanction prise à l'encontre d'un adepte vise à rétablir son karma. En peu d'années, les dérives sectaires vont galoper. Elles rappellent fortement celles de l'AUCM de Moon, en bien plus dur (il paraît qu'un des lieutenants d'Asahara venait de l'AUCM). Les adeptes regroupés dans un centre au pied du Fuji Yama subissaient une pression psychologique continue, ne dormaient que trois heures par nuit. Au moindre manquement à la discipline, des coups, ou bien vingt-quatre heures (renouvelables) dans une cellule, avec un haut-parleur diffusant à pleine puissance les discours d'Asahara.

Très vite aussi, Asahara ajoute la corde chrétienne à son arc, sans renoncer à la corde bouddhiste. Il devient Jésus sans cesser d'être Bouddha. Et il ne retient là encore que le plus utile, ce qui frappe l'imagination le plus vite et le plus efficacement, l'Apocalypse et sa bataille d'Armageddon. Voici comment, par exemple, il reliait les deux doctrines : "Il faut répandre dans le monde l'enseignement et la pratique de Aum et que les Bouddhas s'y multiplient. Nous éviterons ainsi à coup sûr la Troisième Guerre mondiale. Je m'en porte garant." 

Les premiers meurtres commis par Aum semblent dater de 1989. Un avocat qui enquêtait sur ses activités est enlevé et tué avec sa femme et son bébé cette année-là. On ne sait combien d'adeptes devenus réfractaires ont été aussi exécutés.

Asahara prédit la bataille d'Armageddon pour 1994. Et il s'y prhépare activement, en manageant une équipe de scientifiques pervertis. S'il ne réussit pas à se procurer d'armes nucléaires, si ses tentatives pour maîtriser des armes bactériologiques échouent, il peut acquérir un hélicoptère de combat russe, qui ne servira pas. Mais aussi il réussit à produire et à stocker des tonnes de gaz de combat mortels.

On connaît là aussi la suite. 27 juin 1994, sept morts et plus d'une centaine de blessés, dont beaucoup avec des séquelles définitives, à Matsumoto. L'attaque visait trois juges qui s'intéressaient de trop près à l'organisation (et qui en ont réchappé). 18 mars 1995. Douze morts et cinq mille intoxiqués dans le métro de Tokyo. Le but était cette fois de faire diversion, la police s'intéressant de trop près aux activités d'Aum. 

Retour haut de page

Témoins de Jéhovah 

Un mouvement millénariste peut-il survivre au dépassement du délai qu'il avait fixé pour l'Apocalypse ? Peut-il éviter aussi bien le découragement et la déliquescence que la surchauffe meurtrière ? Cette performance, une organisation qui passe pour bornée, ennuyeuse, sinistre, débilitante, l'a accomplie plusieurs fois. Fondés en 1879 par Charles Taze Russell (1852-1916), les Etudiants de la Bible, issus d'un schisme avec les Adventistes du septième jour, étaient d'abord plus mystiques que sectaires, avec néanmoins une forte coloration fondamentaliste et millénariste. Ils fixaient à 1914 le retour de Jésus sur terre, et leur montée au ciel sans passer par la mort.

1914 vit leurs espoirs déçus, mais force est de reconnaître que ce ne fut pas une année totalement ordinaire. Alors, après plusieurs années de crise, de discorde, le mouvement est repris en mains par Joseph Franklin Rutherford (1869-1942). C'est alors qu'il prend son nom de "Témoins de Jéhovah" . C'est alors aussi que les dérives sectaires se dessinent nettement : mise en place d'une direction centralisée, autoritaire, au fonctionnement opaque, prosélytisme forcené avec l'obligation de prêcher de porte à porte, et nombre de prescriptions qui creusent un fossé entre les adeptes et le reste de la société : refus de la fête de Noël (jugée païenne), de la fête des mères. Surtout, refus de tout aliment contenant du sang, refus des transfusions sanguines (à partir de 1945) et de la vaccination (mesure abolie par le successeur de Rutherford), etc. Toutefois, adaptation subtile qui ne s'est pas faite en un jour, ce fossé n'est pas absolu. S'il empêche les tentations ou les idées malsaines de rentrer et de perturber les fidèles, il n'empêche pas ces derniers de s'insérer dans la société. En dehors de leurs activités spécifiques, les Témoins sont des voisins sans histoire, et des salariés modèles (sobres, consciencieux, jamais revendicatifs, ils sont très appréciés de leurs employeurs). Encore une fois, ce discours-là s'est adapté pour durer.

La nouvelle échéance pour la fin du monde était 1975. L'organisation a enregistré un certain nombre de départs et un tassement des recrutements à la fin de cette année, mais elle s'en est remise sans crise grave. L'irruption du sida, entre autres, ayant heureusement compensé l'éloignement du spectre d'une guerre nucléaire, il reste assez de raisons d'espérer le pire, et de se raccrocher à l'espoir de figurer parmi les élus.

.

haut

retour accueil général