25 mai 2004
Intelligence animale,
le cas de Hans, le cheval qui "savait lire"
 

Quelles sont les limites des capacités "intellectuelles" des animaux ?

Voici un cas célèbre (source, par exemple : Paul Watzlawick, La réalité de la réalité, Seuil), et qui a longtemps dissuadé, à tort, de s'intéresser à ce champ de recherche, et qui est considéré, encore plus à tort, comme un exemple à ne pas suivre en science...

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Voir aussi : expérimentateurs bornés

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En 1904 (cent ans !), un enseignant à la retraite, Von Osten, se présente dans une université berlinoise avec son cheval, qui répond au nom de Hans. Ce cheval, prétend-il, sait lire, et le prouve. Amusés, les chercheurs procédent à un premier test. Et l'animal tape du sabot, autant de fois qu'il faut pour donner, sans se tromper, à plusieurs reprises, le chiffre qu'il a sous les yeux. Bien entendu, on fait sortir son maître, présent jusque là. C'est vraiment trop facile. Mais alors on rit moins, parce que Hans continue à trouver juste.

L'affaire fait grand bruit, les journaux en parlent. Un cheval peut apprendre à lire, voire à calculer, car on lui propose aussi des opérations, et il ne se trompe toujours pas. Il peut également "dire" combien d'hommes portent un chapeau dans l'assemblée. Von Osten, devenu une vedette, soutient qu'il n'a fait qu'appliquer patiemment les principes qu'il avait mis en oeuvre avec les enfants au cours de sa carrière.

On réunit une commission de 13 membres, dont des notables divers, le directeur d'un zoo, mais aussi un instituteur, mais aussi le professeur Friedrich Carl Stumpf, directeur de l'Institut de psychologie de Berlin, un des fondateurs de la psychologie fonctionnelle, qui a aussi fait avancer l'étude de la perception des sons. Mais si ces chercheurs ont pu ouvrir leurs esprits à l'impensable, ils n'ont pas renoncé pour autant à trouver un autre biais que la tricherie. Et ils le trouvent. L'intuition est venue de Stumpf, qui confie à son collaborateur Oskar Pfungst la vérification. Quand Hans est le seul à voir le chiffre (ce n'est pas très compliqué à mettre en oeuvre avec des cartons que l'on choisit au hasard, face cachée), il ne lit plus rien. Des études plus fouillées montrent que si une personne connaît la réponse mais ne se trouve pas dans le champ de vue du cheval, ce dernier ne trouve pas non plus. Et avec un peu d'exercice, Pfungst réussit la même performance que Hans : deviner un chiffre qu'il ne voit pas mais que d'autres personnes voient dans son champ de vision.

Il paraît que von Osten en fut fort marri, et qu'il fallut apaiser sa colère contre le malheureux cheval.

On présente couramment cette affaire comme un exemple de ce qu'il ne faut pas faire, et elle a longtemps découragé toute recherche sérieuse dans le domaine de la cognition animale. Pourtant, elle est un modèle d'investigation scientifique sérieuse et efficacement menée. Les chercheurs n'ont jamais fermé le champ des possibles, ni dans un sens, ni dans l'autre. Et ils ont débouché sur des avancées non négligeables, qu'ils n'auraient jamais effectuées s'ils avaient, au départ, renvoyé Hans à ses champs en disant qu'ils avaient d'autres chevaux à fouetter que cette absurdité.

Au passage, il s'agit d'un travail d'équipe, et même le bon von Osten a en somme bien mérité de la Science.