13 juin 2010

Bible, peste et antisémitisme...

Extrait, ici en deux colonne, d'un mien ouvrage paru chez MAIA en aout 2020 (note d'aout 2020), voir ICI pour commander (site de l'éditeur).

On peut aussi me contacter.

Il soutient, si on veut trouver les racines de l'antisémitisme, il faut les chercher dans la Bible. 

Ce qui bien sûr n'explique pas tout, il faut se rappeler aussi que toute diabolisation attire et excite la méchanceté humaine. Le chapitre ci-après montre comment la Bible peut expliquer les accusations délirantes et récurrentes de transmettre la peste (ou plus récemment le sida)... voir aussi délires antisémites et sur le blog

Ne pas oublier : la Bible est un livre impossible à prendre littéralement, que ce soit pour ce qu'il raconte ou ce qu'il prescrit. Les juifs ont été les premiers à le comprendre, les antisémites semblent en être incapables.

Ci-après le chapitre sur la peste. Les autres chevaux de bataille majeurs de l'antisémitisme (assassinats d'enfants, rapacité, haine dissimulée...) sont examinés sous le même angle.

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L'antisémitisme et la peste

Avant d’aborder cet aspect, il convient aussi de rappeler une donnée essentielle : de même que les meurtres d’enfants sont ce qu’il y a de plus odieux, la peste, et les autres maladies contagieuses graves, ont toujours constitué un des plus grands cauchemars de l’humanité, bien plus meurtriers que les guerres. L’accusation de répandre la peste et autres maladies contagieuses est aussi un cheval de bataille récurrent de l’antisémitisme.

Après ce, vint une merdaille
Fausse, traître et renoïe :
Ce fu Judée la honnie,
La mauvaise la desloyal,
Qui bien het et aimme tout mal,
Qui tant donna d’or et d’argent
Et promit à crestienne gent,
Que puis, rivieres et fonteinnes
Qui estoient cleres et seinnes
En plusieurs lieus empoisonnerent
Dont plusieurs leurs vies finerent ;
Car trestuit cil qui en usoient
Assez soudainement moroient.
Dont, certes, par dis fois cent mille
En morurent, qu’a champ qu’a ville...
(Guillaume de Machault, Jugement du Roy de Navarre, in René Girard, Le bouc-émissaire, Grasset, 1982, p7).

C’est là un document parmi bien d’autres qui accusaient les Juifs d’avoir causé la Grande Peste (1347-1350), ce qui occasionna nombre de massacres de Juifs, par exemple l’extermination de ceux de Strasbourg, Mayence, Erfurt, souvent à l’initiative de gens du peuple mais pas seulement.

(…) En Savoie, berceau de la rumeur, le duc Amédée obtint, par la torture, des aveux complets des Juifs qui déclarèrent avoir agi ainsi partout en Europe… Des populations fanatisées, considérant les Juifs comme responsables de cette terrible épidémie (elle causa la mort d’un tiers de la population européenne), se livrèrent à des pillages et à des massacres, inédits jusqu’alors (
Carol Iancu (professeur d’histoire contemporaine à l’université Paul-Valéry de Montpellier), Les mythes fondateurs de l’antisémitisme, p45).

Parfois même des municipalités procédèrent à des emprisonnements et au châtiment, comme ce fut le cas à Strasbourg où de nombreux Juifs furent brûlés dans leur cimetière le 14 février 1349. Malgré la bulle du Pape Clément VI du mois de septembre 1348, déchargeant les Juifs (il fit remarquer que ces derniers aussi étaient touchés par le fléau, qui sévissait également dans des régions où il n’y avait pas que des fidèles de la Loi mosaïque), cette accusation sans fondement continua son œuvre destructrice… Après, Clément VI, Urbain V, à Avignon aussi, tenta encore de protéger les Juifs (d’une manière générale, sa conduite exemplaire face à l’épidémie, les mesures qu’il a prises, lui vaudront plus tard la béatification, et de donner son nom à une clinique d’Avignon, il y a quand même eu aussi parfois des papes de bonne volonté).

Que la technique alléguée soit
l’empoisonnement de l’eau n’est pas anodin. D’autant qu’on ne savait pas comment la peste se transmet, et qu’on sait maintenant que ce n’est pas par l’eau (le choléra, si, il n’était donc pas absurde de le supposer a priori).

Par la suite d’autres maladies seront attribuées aux Juifs. Y compris par Hitler.

La page 245 [de Mein Kampf] peut se lire simplement : la syphilis s’est développée dans les grandes villes où le proxénète juif a remplacé la relation amoureuse par le rapport d’argent (Fernand Rohman, Hitler, le juif et le troisième homme, puf, 1983 p147). 

Plus récemment encore, on ne prête décidément qu’aux Juifs en la matière, on leur attribue, de façon non moins délirante, la mise au point dans des intentions malveillantes du virus du sida puis encore plus récemment de ceux de la grippe aviaire et de la grippe A… voire du covid 19.

Et bien sûr, l’antisémitisme le plus extrême les assimile directement à un germe pathogène :

Le dépistage du virus juif est une des plus grandes révolutions qui aient été accomplies dans le monde. Le combat que nous livrons est de même nature que le combat livré au siècle dernier par Pasteur et Koch. Combien de maladies trouvent leur origine dans le virus juif !
(Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix (conversations de tables recueillies par Martin Bormann), Flammarion, 1952, vol 1 p321)

On est là dans le délire. Mais l’antisémitisme est souvent un délire.
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Comment la Bible a pu déclencher l'accusation de propager la peste...

L’Éternel dit à Moïse : Va vers Pharaon, et tu lui diras : Ainsi parle l’Éternel, le Dieu des Hébreux : Laisse aller mon peuple, afin qu’il me serve. Si tu refuses de le laisser aller, et si tu le retiens encore, voici, la main de l’Éternel sera sur tes troupeaux qui sont dans les champs, sur les chevaux, sur les ânes, sur les chameaux, sur les bœufs et les brebis ; il y aura une mortalité très grande. L’Éternel distinguera entre les troupeaux d’Israël et les troupeaux des Égyptiens, et il ne périra rien de tout ce qui est aux enfants d’Israël. L’Éternel fixa le temps, et dit : Demain, l’Éternel fera cela dans le pays. Et l’Éternel fit ainsi… (Exode, 9, 1-4).

On dira que ce ne sont pas des hommes qui sont frappés, qu’il n’est pas expressément question de maladie. Sautons juste quelques lignes.

L’Éternel dit à Moïse et à Aaron : remplissez vos mains de cendre de fournaise, et que Moïse la jette vers le ciel, sous les yeux de Pharaon. Elle deviendra une poussière qui couvrira tout le pays d’Égypte, sur les hommes et sur les animaux, des ulcères formés par une éruption de pustules. Ils prirent de la cendre de fournaise, et se présentèrent devant Pharaon ; Moïse la jeta vers le ciel, et il elle produisit sur les hommes et sur les animaux des ulcères formés par une éruption de pustules (Exode, 9, 8-11).

Notons qu’il y a une action non seulement de Dieu mais aussi de Moïse et Aaron. Pas mortel, dira-t-on. Mais encore un peu plus loin :

Moïse dit : Ainsi parle l’Éternel : Vers le milieu de la nuit, je passerai au travers de l’Égypte ; et tous les premiers nés mourront dans le pays d’Egypte, depuis le premier-né de Pharaon assis sur son trône, jusqu’au premier-né de la servante qui est derrière la meule, et jusqu’à tous les premiers-nés des animaux (Exode, 11, 4-5).

On dira peut-être encore que c’est peu puisque dans ce dernier cas il n’est pas expressément fait référence à une épidémie. Mais il y avait eu bien d’autres plaies. Parmi les autres, notamment, la grêle, les ténèbres, les poux, les mouches venimeuses, les sauterelles, les grenouilles, et avant cela la toute première, l’eau du Nil changée en sang (Exode, 7, 17-22).

Et à propos de cette eau du Nil changée en sang, est-il si audacieux d’y voir comme un lointain catalyseur subliminal de ceci ?

Une autre affaire typique se situe à Röttlingen, en 1298. « On fit courir le bruit que les Juifs avaient jeté le corps du Christ [une hostie] au tas d’ordures et que le sang aurait coulé en quantité ». La rumeur y ajouta bientôt d’autres détails miraculeux. Les Juifs auraient jeté l’hostie dans la rivière Tauber, dont les eaux seraient devenues sanglantes.

Encore une fois, les épidémies étaient, et sont toujours, un des cauchemars majeurs de l’humanité. Remarquons aussi que cet épisode, les plaies d’Égypte, est supposé représenter l’événement fondateur du peuple juif. En outre, il le montre face à la maltraitance. Or, maltraité, il l’était aussi dans le moyen-âge chrétien (et après). Au passage, on a aussi indirectement des versions égyptiennes de l'histoire de l'Exode (voir ici).

Mais, pour revenir à la Bible, trouve-t-on d’autres occurrences d’épidémies servant les intérêts hébreux ? C’est bien ainsi qu’on interprète classiquement l’épisode suivant. Jérusalem était assiégée par les Assyriens de Sennachérib. Alors :

Cette nuit-là, l’ange de l’Éternel sortit, et frappa dans le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq mille hommes. Et quand on se leva le matin, voici, c’étaient tous des corps morts (2 Rois, 19, 35).

On dira que ce n’est pas explicite. 1 Samuel 5 raconte que les Philistins se sont un emparés de l'Arche d'Alliance, qu'ils ont installée dans leur Temple à eux. Pour finir, une violente épidémie d'hémorroïdes va les amener à la restituer...
 
Renvoyez l'Arche du dieu d'Israël, qu'elle retourne en son lieu, et qu'elle ne nous fasse pas mourir, nous et notre peuple. Car il y avait dans toute la ville une terreur mortelle ; la main de Dieu s'y appesantissait fortement. Les gens qui ne mouraient pas étaient frappés d'hémorroïdes, et les cris de la ville montaient jusqu'au ciel. (1 Samuel, 5:11-12).

La menace de l’épidémie se retrouve chez les prophètes qui, comme leur nom l’indique, prophétisent, en l’occurrence contre les ennemis d’Israël. Dans les deux exemples suivants, il n’y a pas de nom précis de pathologie, mais la description terrifiante ne laisse pas le moindre doute sur le fait qu’il s’agit d’une maladie redoutable. Chez Isaïe, qui menace l’ennemi mésopotamien du moment, c’est la fièvre qui est dépeinte avec éloquence :

Gémissez, car le jour de l’Éternel est proche : Il vient comme un ravage du Tout-Puissant. C’est pourquoi toutes les mains s’affaiblissent, et tout cœur d’homme est abattu. Ils sont frappés d’épouvante ; les spasmes et les douleurs les saisissent ; ils se regardent les uns les autres avec stupeur ; leurs visages sont enflammés (Isaïe, 13, 6).

Autres images, encore plus parlantes et impressionnantes (quand on dit que la Bible parle d’abord à l’imagination…), chez Zacharie :

Voici la plaie dont l’Éternel frappera tous les peuples qui auront combattu contre Jérusalem : leur chair tombera en pourriture tandis qu’ils seront sur leurs pieds, leurs yeux tomberont en pourriture dans leurs orbites, et leur langue tombera en pourriture dans leur bouche (Zacharie, 14, 12).

Ezéchiel n’est pas en reste, et désigne la cible :

Tu diras : Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Voici, j’en veux à toi, Sidon ! Je serai glorifié au milieu de toi ; et ils sauront que je suis l’Éternel, quand je manifesterai ma sainteté au milieu d’elle. J’enverrai la peste dans son sein, je ferai couler le sang dans ses rues ; les morts tomberont au milieu d’elle par l’épée qui de toute part viendra la frapper (Ezéchiel, 28, 22-23).

Dans les passages suivants, ce sont les Hébreux eux-mêmes qui sont frappés, ou menacés de l’être, pour punir leurs infidélités à l’Éternel. Chez Jérémie, ce sont curieusement les Juifs adversaires irréductibles de Nabuchodonosor (ou Nebucadnetsar) qui sont menacés entre autres de la peste, avec une lourde insistance. Or ce dernier vient ou est en passe de prendre et détruire Jérusalem. Mais Jérémie a pris son parti, celui du réalisme et de la collaboration.

C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel des armées, le Dieu d’Israël : Voici, je vais nourrir ce peuple d’absinthe, et je lui ferai boire des eaux empoisonnées (Jérémie, 9, 15).

Je frapperai les habitants de cette ville, les hommes et les bêtes ; ils mourront d’une peste affreuse (Jérémie, 21, 6).

Celui qui restera dans cette ville mourra par l’épée, par la famine ou par la peste ; mais celui qui sortira pour se rendre aux Chaldéens [Babyloniens] qui vous assiègent aura la vie sauve et sa vie sera son butin (Jérémie, 21, 9).

Si une nation, si on royaume ne se soumet pas à lui, à Nebucadnetsar, roi de Babylone, je châtierai cette nation par l’épée, par la famine, par la peste, dit l’Éternel, jusqu’à ce que je l’aie anéantie par sa main (Jérémie, 27, 8).

Ainsi parle l’Éternel sur le roi qui occupe le trône de David, sur tout le peuple qui habite cette ville, sur vos frères qui ne sont point allés avec vous en captivité ; ainsi parle l’Éternel des armées : Voici, j’enverrai parmi eux l’épée, la famine et la peste, et je les rendrai semblables à des figues affreuses qui ne peuvent être mangées à cause de leur mauvaise qualité. Je les poursuivrai par l’épée, par la famine et par la peste, je les rendrai un objet d’effroi pour tous les royaumes de la terre, un sujet de malédiction, de désolation et d’opprobre… (Jérémie, 29, 17-18).

Son collègue et contemporain (mais pas forcément ami) Ezéchiel, invoque aussi très lourdement la colère de Dieu, manifestée notamment par la peste, contre son peuple, pour d’autres raisons :

C’est pourquoi je suis vivant ! dit le Seigneur, l’Éternel, parce que tu as souillé mon sanctuaire par toutes tes idoles et toutes tes abominations, moi aussi je retirerai mon œil, et mon œil sera sans pitié, moi aussi je n’aurai point de miséricorde. Un tiers de tes habitants mourra de la peste et sera consumé par la famine au milieu de toi ; un tiers tombera par l’épée autour de toi ; et j’en disperserai un tiers à tous les vents, et je tirerai l’épée derrière eux (Ezéchiel, 5, 11-12).

Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Frappe de la main, frappe du pied, et dit : Hélas ! Sur toutes les méchantes abominations de la maison d’Israël, qui tombera par l’épée, par la famine et par la peste (Ezéchiel, 6, 11-12).

Ou si j’envoyais la peste dans ce pays, si je répandais contre lui ma fureur par la mortalité, pour en exterminer les hommes et les bêtes, et qu’il y eût au milieu de lui Noé, Daniel et Job, je suis vivant ! (Ezéchiel, 14/19-20).

Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Je suis vivant ! ceux qui sont parmi les ruines tomberont par l’épée ; ceux qui sont dans les champs, j’en ferai la pâture des bêtes ; et ceux qui sont dans les forts et les cavernes mourront par la peste (Ezéchiel, 33, 27).

Cette idée que Dieu frappe Israël de la peste se retrouve ailleurs :

Le lendemain, quand David se leva, la parole de l’Éternel fut ainsi adressée à Gad le prophète, le voyant de David : Va dire à David : Ainsi parle l’Éternel : Je te propose trois fléaux ; choisis-en un, et je t’en frapperai. Gad alla vers David, et lui fit connaître la chose, en disant : Veux-tu sept années de famine dans ton pays, ou bien trois mois de fuite devant tes ennemis qui te poursuivront, ou bien trois jours de peste dans le pays ? Maintenant choisis, et vois ce que je dois répondre à celui qui m’envoie. David répondit à Gad : Je suis dans une grande angoisse ! Oh ! tombons entre les mains de l’Éternel, car ses compassions sont immenses ; mais que je ne tombe pas entre les mains des hommes ! L’Éternel envoya la peste en Israël, depuis le matin jusqu’au temps fixé ; et de Dan à Beer-Schéba, il mourut soixante-dix mille hommes parmi le peuple (2 Samuel, 24, 11-15).

La même histoire est rapportée au chapitre 21 de 1 Chroniques. Qu’avait donc fait David pour mériter cela (et le faire mériter à son peuple) ? Il avait tout simplement procédé à un recensement de ses sujets, et cela ne plaisait pas.

Satan se leva contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement d’Israël. Et David dit à Joab et aux chefs du peuple : Allez, faites le dénombrement d’Israël, depuis Beer-Schéba jusqu’à Dan, et rapportez-le moi, afin que je sache à combien il s’élève. Joab répondit : Que l’Éternel rende son peuple cent fois plus nombreux ! O roi mon seigneur, ne sont-ils pas tous serviteurs de mon seigneur ? Mais pourquoi mon seigneur demande-t-il cela ? Pourquoi faire ainsi pécher Israël ? (1 Chroniques, 21, 1-3).

Il y a encore d’autres endroits où Dieu manie la peste contre son peuple, ou l’en menace s’il ne marche pas droit :

J’ai envoyé parmi vous la peste, comme en Égypte ; j’ai tué vos jeunes gens par l’épée, et j’ai laissé prendre vos chevaux ; j’ai fait monter à vos narines l’infection de votre camp. Malgré cela, vous n’êtes pas revenus à moi, dit l’Éternel (Amos, 4, 10).

Tu as abandonné le rocher qui t'a fait naître, Et tu as oublié le Dieu qui t'a engendré. L'Éternel l'a vu, et il a été irrité, Indigné contre ses fils et ses filles. Il a dit: Je leur cacherai ma face, Je verrai quelle sera leur fin; Car c'est une race perverse, Ce sont des enfants infidèles. Ils ont excité ma jalousie par ce qui n'est point Dieu, Ils m'ont irrité par leurs vaines idoles; Et moi, j'exciterai leur jalousie par ce qui n'est point un peuple, Je les irriterai par une nation insensée. Car le feu de ma colère s'est allumé, Et il brûlera jusqu'au fond du séjour des morts; Il dévorera la terre et ses produits, Il embrasera les fondements des montagnes. J'accumulerai sur eux les maux, j'épuiserai mes traits contre eux. Ils seront desséchés par la faim, consumés par la fièvre et par des maladies violente (Deutéronome, 32, 18-24).

L'Éternel attachera à toi la peste, jusqu'à ce qu'elle te consume dans le pays dont tu vas entrer en possession. L'Éternel te frappera de consomption, de fièvre, d'inflammation, de chaleur brûlante, de dessèchement, de jaunisse et de gangrène, qui te poursuivront jusqu'à ce que tu périsses (Deutéronome, 28, 21-22).

Mais si vous ne m'écoutez point et ne mettez point en pratique tous ces commandements, si vous méprisez mes lois, et si votre âme a en horreur mes ordonnances, en sorte que vous ne pratiquiez point tous mes commandements et que vous rompiez mon alliance, voici alors ce que je vous ferai. J'enverrai sur vous la terreur, la consomption et la fièvre, qui rendront vos yeux languissants et votre âme souffrante ; et vous sèmerez en vain vos semences: vos ennemis les dévoreront (Lévitique, 26, 14-16).

Et l'Éternel dit à Moïse : Jusqu'à quand ce peuple me méprisera-t-il ? Jusqu'à quand ne croira-t-il pas en moi, malgré tous les prodiges que j'ai faits au milieu de lui ? Je le frapperai par la peste, et je le détruirai; mais je ferai de toi une nation plus grande et plus puissante que lui. Moïse dit à l'Éternel : Les Égyptiens l'apprendront, eux du milieu desquels tu as fait monter ce peuple par ta puissance, et ils le diront aux habitants de ce pays. Ils savaient que toi, l'Éternel, tu es au milieu de ce peuple; que tu apparais visiblement, toi, l'Éternel; que ta nuée se tient sur lui; que tu marches devant lui le jour dans une colonne de nuée, et la nuit dans une colonne de feu. Si tu fais mourir ce peuple comme un seul homme, les nations qui ont entendu parler de toi diront : L'Éternel n'avait pas le pouvoir de mener ce peuple dans le pays qu'il avait juré de lui donner: c'est pour cela qu'il l'a égorgé dans le désert. Maintenant, que la puissance du Seigneur se montre dans sa grandeur, comme tu l'as déclaré en disant : L'Éternel est lent à la colère et riche en bonté, il pardonne l'iniquité et la rébellion; mais il ne tient point le coupable pour innocent, et il punit l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération. Pardonne l'iniquité de ce peuple, selon la grandeur de ta miséricorde, comme tu as pardonné à ce peuple depuis l'Égypte jusqu'ici. Et l'Éternel dit: Je pardonne, comme tu l'as demandé (Nombres, 14, 11-20).

Où l’on voit que Moïse est en mesure d’infléchir une décision divine sur la peste. Enfin, on trouve des cas où c’est une personne qui est frappée, individuellement, d’une maladie punitive.

Aaron et sa sœur Marie ayant murmuré contre leur frère Moïse qui avait pris une femme éthiopienne : L'Éternel descendit dans la colonne de nuée, et il se tint à l'entrée de la tente. Il appela Aaron et Marie, qui s'avancèrent tous les deux. Et il dit: Écoutez bien mes paroles! Lorsqu'il y aura parmi vous un prophète, c'est dans une vision que moi, l'Éternel, je me révélerai à lui, c'est dans un songe que je lui parlerai. Il n'en est pas ainsi de mon serviteur Moïse. Il est fidèle dans toute ma maison. Je lui parle bouche à bouche, je me révèle à lui sans énigmes, et il voit une représentation de l'Éternel. Pourquoi donc n'avez-vous pas craint de parler contre mon serviteur, contre Moïse? La colère de l'Éternel s'enflamma contre eux. Et il s'en alla. La nuée se retira de dessus la tente. Et voici, Marie était frappée d'une lèpre, blanche comme la neige. Aaron se tourna vers Marie; et voici, elle avait la lèpre. Alors Aaron dit à Moïse: De grâce, mon seigneur, ne nous fais pas porter la peine du péché que nous avons commis en insensés, et dont nous nous sommes rendus coupables! Oh! Qu’elle ne soit pas comme l'enfant mort-né, dont la chair est à moitié consumée quand il sort du sein de sa mère!  Moïse cria à l'Éternel, en disant: O Dieu, je te prie, guéris-la ! Et l'Éternel dit à Moïse: Si son père lui avait craché au visage, ne serait-elle pas pendant sept jours un objet de honte ? Qu'elle soit enfermée sept jours en dehors du camp ; après quoi, elle y sera reçue (Nombres, 12, 5-14).

Marie s’en sort donc bien. D’autres fois, c’est « sans remède ». Ainsi le roi Joram, qui a fait « ce qui est mal aux yeux de l’Éternel » :

Voici, l'Éternel frappera ton peuple d'une grande plaie, tes fils, tes femmes, et tout ce qui t'appartient ; et toi, il te frappera d'une maladie violente, d'une maladie d'entrailles, qui augmentera de jour en jour jusqu'à ce que tes entrailles sortent par la force du mal. Et l'Éternel excita contre Joram l'esprit des Philistins et des Arabes qui sont dans le voisinage des Éthiopiens. Ils montèrent contre Juda, y firent une invasion, pillèrent toutes les richesses qui se trouvaient dans la maison du roi, et emmenèrent ses fils et ses femmes, de sorte qu'il ne lui resta d'autre fils que Joachaz, le plus jeune de ses fils. Après tout cela, l'Éternel le frappa d'une maladie d'entrailles qui était sans remède ; elle augmenta de jour en jour, et sur la fin de la seconde année les entrailles de Joram sortirent par la force de son mal. Il mourut dans de violentes souffrances; et son peuple ne brûla point de parfums en son honneur, comme il l'avait fait pour ses pères (2 Chroniques, 21, 14-19).

Bref, le thème de la peste ou de la fièvre comme moyen de punir ou, ce qui revient au même, de manifester une colère, est surabondant dans la Bible. Connaît-on un autre texte considéré comme sacré, et même un autre texte en général, où il en soit ainsi ? Et les épidémies, cauchemar majeur de l’humanité dans son ensemble encore une fois, sont matière par excellence à « psychose » dans les deux sens du terme : sens sociologique, peur collective justifiée ou non, et sens psychopathologique, maladie mentale se manifestant par des idées délirantes.

On serait donc passé de « Dieu utilise la peste pour se venger, pour soutenir ou corriger les Juifs », qui revient un peu partout dans la Bible, à « Les Juifs utilisent la peste (ou le sida ou la grippe) pour se venger », obsession délirante des antisémites les plus extrêmes. Y a-t-il de l’un à l’autre plus de distance qu’entre « un Blanc avec un rasoir à la ceinture s’emporte contre un Noir » et « Un Noir s’emporte contre un Blanc et brandit un rasoir » ?

Références :
Paul Giniewski, La croix des Juifs,MJR, 1994, p26.
 

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