Nouvelles
(bribes de vécu)
Il
s'agit bien sûr de romans très courts.
Plutôt des
exercices au moins au départ (l'appétit vient en
mangeant) et j'aimerais que l'on
s'intéressât à ceci.
Depuis fin juillet 2010 il y a aussi les historiques,
les grinçantes,
les drôles... ici, ce sont (en gros) des choses que j'ai connues.
Le maître Question pour un... Routine
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Je
pense toujours à lui, mais
pourquoi ? Je l’ai connu il y a quarante ans,
j’ai
largement oublié les
autres. Il a été mon prof d’anglais de
terminale,
mais, vu mon quatre au bac en
cette matière, let us forget. Il était
frère
mariste, rien d’extraordinaire
puisque j’étais au lycée
« chez les
frères ». D’où me
viens cette
obsession qu’il a peut-être
été, ou
manqué d’être, mon maître
quelque part, que,
de là où il est, il veille sur moi, ou se moque
gentiment
de moi ?
Serait-ce simplement parce qu’il était toujours de
bonne
humeur ? Un
exploit en soi car cette classe, école religieuse ou pas,
deux
ans après mai
68, était intenable, odieuse, dominée par un
noyau dur
particulièrement
pervers. J’ai souvent, depuis, été
confronté
à la drogue, invité à y
goûter,
mais plus jamais avec autant d’insistance vicieuse que
là.
Les profs
scientifiques s’en sortaient car c’était
une classe
scientifique et il y avait
le bac au bout, mais pour les littéraires
c’était
l’enfer, surtout la
malheureuse prof de philo qui ajoutait le handicap
d’être
une femme, la mixité
n’était pas encore là.
Lui prenait les chahuts avec le sourire,
et donc ils étaient moins rudes. Il s’amusait
beaucoup en se voyant invité, sur
l’air de Frère Jacques,
à
« sonner les matines à
poil ». Il émaillait ses cours de
digressions
audacieuses, surtout pour un religieux, allant
jusqu’à laisser entendre que
pour lui un certain Joseph avait dû donner au Saint-Esprit un
coup de pouce, ou
plutôt d’autre chose. On l’aimait bien.
Quant à moi, il me semble que je
l’aimais bien aussi, que je le trouvais sympathique, amusant,
reposant, mais
sans affection ni admiration ni fascination bien marquées.
Mais aussi,
qu’est-ce que je connaissais aux hommes en ce temps ? |
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C’était en
octobre 1997. Deux ans auparavant il y avait eu les
sélections : une
centaine de personne dans une grande salle, une première
batterie de quarante
questions sur papier, la correction par le voisin ou la voisine, et les
trois
quart des candidats qu’on remercie gentiment et qui
s’en vont. Je suis dans le
bon quart et même plutôt dans les premiers. Une
deuxième salve de quarante
questions, je me dis que ça va encore être
saignant, je fais de mon mieux, une
erreur mais je le comprendrai plus tard. A ma surprise, plus personne
n’est
sorti. Il n’y a plus qu’un bref entretien
individuel pour éliminer, on s’en
cache à peine, les personnalités
problématiques. Et rendez-vous dans deux ans.
Annonce de
l’invitation par téléphone, une dame
fort aimable, acceptation, le billet de
train et la réservation de l’hôtel
envoyés par courrier, pas de quoi se
plaindre (une de mes collègues avait alors de
sérieux griefs contre L’Ecole
des fans : elle avait payé
le voyage pour découvrir que son bout-de-chou, simple
remplaçant au cas où, ne
passerait pas, à ses parents de lui expliquer…).
Enfin le grand jour. Dernières
recommandations de
l’organisation, poudrage pour les
hommes, maquillage plus élaboré pour les femmes.
Six émissions sont
enregistrées dans la journée, pour moi ce sera la
cinquième. Un hall immense,
des caméras et de l’électronique
partout, beaucoup de monde. Il y a un public
qu’on entend mais qu’on ne voit pas à la
TV. Les candidats y attendent leur
tour, reconnaissables à une pancarte avec leur
prénom. Et Julien Lepers,
omniprésent, virevoltant. Hors antenne, dans les pauses et
les multiples
interruptions techniques, il se montre plus audacieux qu’au
petit écran. Il
lance des « bonnes blagues », de
grandioses imitations de ses
confrères Nagui ou Patrice Lafont, et de multiples allusions
à certaine récente
et vilaine affaire de tricherie dans Interville.
Je me prends à critiquer intérieurement certaines
questions. Que vient faire
dans les « rois de la mythologie
grecque » Crésus, personnage
historique et pas grec ?
Nous sommes
nourris à midi. Très bon, mais une disposition un
peu surprenante : il y a
deux rangées de tables parallèles,
l’une pour les candidats, l’autre pour le
personnel, cette dernière étant
surélevée. On ne se mélange pas.
Enfin mon
tour. « Vous verrez, me glisse Clémentine
à ma gauche, ça passe très
vite ». Gentille, Clémentine, mais
redoutable. Elle prépare une agrégation
d’histoire et a surclassé ses concurrents la
veille, c’est-à-dire il y a un
quart d’heure, avec un brio qui me décourage.
Enfin, c’est parti. De
« cathèdre » en
« yearling », je me tire le
premier de la
première partie. Surprise, c’est
Clémentine qui est éliminée.
C’est souvent le
cas. Usure du premier passage ? Je découvrirai
qu’il y a une autre
explication.
Deuxième partie, c’est donc à moi de choisir le premier mon sujet. Ancien enfant de Marie, assidu au catéchisme, « le péché » me convient très bien (même si j’ajoute hypocritement « sans conviction »). « Confession », « péché originel », « véniel », je suis à un poil du sans faute. Et voici que ma mémoire soudain défaillante me refuse l’« absolution » ! De quoi méditer et introspecter, mais ce n’est pas le moment ! Un « rédempteur » me rachèterait si je ne manquais ensuite l’« impeccable », et l’« indulgence » vient trop tard. Trois points, cela ne suffit pas toujours. Mais le suivant, avec qui j’ai discuté agréablement le matin, choisit un sujet marin, normal pour un Marseillais, donne « chalutage » pour « chalutier » et coule. Troisième partie donc, l’« l’explication », terme consacré, avec Colette. Deux questions de suite nous laissent sans voix. Elles sont annulées comme bien souvent, les candidats ne sont pas forcément aussi forts qu’on le croit de son salon. Dans l’interruption qui suit, ma concurrente me glisse que le Drakensberg, elle n’en a jamais entendu parler. Moi, si, j’ai un ami qui y est allé, mais c’est « Ruwenzori » qui m’est venu à l’esprit, et d’ailleurs trop tard. Quelques échanges plus tard je me retrouve en tête et tout près du but. Un poisson à pêcher. Colette prend la « main » et risque une réponse, fausse. Un sélacien la murène ? Je vais te faire voir, ma petite ! Péché d’orgueil ? J’élimine mentalement « raie » et « poisson-scie », je ne sais quelle lubie me fait lancer « espadon » ! Je découvrirai chez moi que ce n’est pas plus un sélacien comme je me le figurais, c’est un thon, la honte. Colette a donc de nouveau la main et ferre le requin. Probablement dernière question, gastronomie, je laisse la main, elle ne revient pas. Colette trouve « moutarde » avec presque rien. Fini. Le cérémonial habituel, cadeaux Larousse, la bise rituelle à Colette qui se fera aussi avoir à son deuxième jour dans la foulée, décidément… Enfin, quelques semaines plus tard, j’ai compris. La deuxième série de questions aux sélections, c’est pour pouvoir constituer, sans le dire, des groupes homogènes. Voilà pourquoi c’est souvent serré, pourquoi aussi certains soirs les candidats semblent tous mauvais et d’autres soirs tous brillants. Pour moi, c’est une arnaque. Je prétends que la performance d’érudition est aussi honorable que bien d’autres, cette émission passe pour la plus honnête de toutes les compétitions en ce domaine, et elle est biaisée. Je pourrais profiter de cette découverte pour y retourner en optimisant mes chances, je ne l’ai toujours pas fait. Ecoeuré. |
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Elles
sont rarement passionnantes, ces réunions, mais
puisqu’elles se font par
téléphone, que je suis seul dans mon bureau, nous
sommes dispersés sur
plusieurs villes, au pire je pourrai m’évader sur
Internet. C’est qu’à la
communication on a droit à Internet, forcément,
il faut se tenir au courant de
beaucoup de choses. |
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