6 Effet placebo, effet nocebo 

1 Introduction 2 Le cancer et l'auteur

3 Seulement physique, le cancer ?
(c'est ce qu'on dit, mais...)

4 Causes psychiques du cancer, hypothèses de psys
(dont d'anciens chefs de cliniques cancérologues)
5 Psychosomatique 
(pourquoi pas aussi le cancer ?)

6 Effet placebo, effet nocebo

7 Cancer et psychose
"Le cancer vient de la folie réprimée"
(Norman Mailer, Un rêve américain)

8 Fritz Zorn (il a cru échapper au cancer en voyant sa cause dans son éducation)

9 Auteurs morts d'un cancer
(auraient-ils d'autres chose en commun ?)
10 Extraits choisis 11 Corrélation ? Commentaire ?

Effet placebo, effet nocebo
Encore un effet qui montre qu'au moins l'évolution d'un mal est en partie (mais en partie seulement) conditionné par le psychisme du sujet.
Un placebo, on le sait, est un médicament qui ne devrait pas agir, parce qu'il n'a aucune efficacité objective dans le cas, mais qui agit quand même parce que la personne croit qu'il est efficace (ou qu'on y croit pour elle, car l'effet placebo a été vérifié aussi pour les nouveau-nés ou les animaux). Et il ne faudrait pas croire que son action soit uniquement psychologique.

Le placebo agit, bien entendu, sur les signes subjectifs, mais est également mesurable sur certains paramètres objectifs : acidité gastrique, diamètre pupillaire, niveau de lipoprotéines, de globules blancs (éosinophiles, lymphocytes), électrolytes, corticoïdes, glucose, cholestérolémie, tension artérielle... Contrairement à une idée répandue, ce n'est pas parce qu'un signe est mesurable qu'il est inaccessible à une action d'ordre psychologique. Ce n'est pas non plus parce qu'un traitement est d'ordre psychologique qu'il n'est pas relayé par des mécanismes biologiques (Dr Patrick Lemoine, sur le site de l'Université de Rennes).

A l'effet placebo on ajoute classiquement l'effet nocebo : les effets secondaires indésirables du médicament que le malade a cru ingérer se manifestent aussi.

Aussi, les tests de médicaments doivent suivre un protocole strict, bien normalisé, pour éviter tout biais induit par ces effets. Classiquement, on sélectionne 100 personnes dont l'état est susceptible d'être amélioré par le médicament testé. 50 recevront le vrai produit, les autres un produit neutre. Et ni les malades ni le personnel soignant ne devront savoir qui a reçu quoi (principe du "double aveugle"). On ne le découvrira qu'au moment du bilan, après que tous les examens nécessaires aient été pratiqués.

Cela étant largement admis, j'avoue ne pas comprendre, pour revenir au cancer, une réaction comme celle rapportée par le Dr Pierre Solignac, psychosomaticien à l'Hôpital Saint-Michel (qui croit à un déterminisme partiellement psychique des cancers), de la part d'un des plus éminents cancérologues français :

Ce débat a été dramatique. A tel point que ce cancérologue a refusé de me répondre et que cette émission en direct a dû être interrompue. Il ne pouvait pas supporter la contradiction en public. Il y a donc bien une opposition farouche des cancérologues en France, je l'ai moi-même vécue (cité par Simone Brousse, Médecine, le grand tournant, 2004).

Pour terminer sur l'effet placebo, s'il est largement admis s'agissant d'un médicament ou plus généralement d'un traitement, on en parle beaucoup moins à propos d'un diagnostic ou d'un pronostic émis par un quelconque médecin. C'est bien sûr autrement scabreux et délicat à traiter, et on ne fera que l'effleurer ici, sans prétendre à aucune conclusion. Néanmoins, voici une anecdote que Paul Watzlawick présente comme authentique. Un interne crut bon d'expliquer à un malade qu'on ne trouvait pas pour le moment de quoi il souffrait. Mais il ne devait pas désespérer car un éminent professeur allait venir l'examiner, trouverait peut-être la cause du mal, et dans ce cas on pourrait le guérir. Le professeur l'examina donc, rapidement, et sa conclusion tint en un mot : "Moribundus". Et le malade crut que c'était le nom de son mal, et donc qu'on allait le guérir, et il guérit effectivement.*

Voici un témoignage plus dramatique, allant dans le même sens :

En mai 1991, mon épouse est décédée. Elle avait 38 ans, elle est morte dans mes bras, tragiquement, d'un cancer. Les derniers mois, elle avait refusé l'acharnement thérapeutique. Ça m'a donné l'occasion d'observer des phénomènes dont les médecins ne voulaient rien entendre.
J'ai été témoin de choses assez étonnantes. En effet, quand une personne a un cancer, elle est suivie par les médecins avec des dosages de marqueurs tumoraux. Et chaque fois, le malade attend ses résultats avec une angoisse terrible.
En ce qui concerne mon épouse, il y a eu plusieurs erreurs dans ces résultats d'analyses. À deux reprises au moins, nous avons reçu un résultat du CA15-3 qui était excellent. Et à partir de ce moment là, mon épouse, de manière très étonnante, a revécu, littéralement. Elle revenait à la vie, refaisait des projets, elle était en forme. Elle n'était plus du tout la même personne que 24 h auparavant.
Et puis la correction venait, 2 ou 3 jours après, et, aussitôt, c'était à nouveau l'effondrement total. Ça m'avait vraiment intrigué (surtout les 6 derniers mois où nous étions ensemble au quotidien, heure par heure) puisqu'elle s'était détachée du système officiel.
**

Tout cela n'est pas totalement ignoré, mais il ne faut pas bien sûr en exagérer la portée. Le pharmacien français Emile Coué a comme on sait mis le principe en pratique, avec des résultats non nuls mais très limités.

Pour illustrer ces limites, voici une anecdote non moins authentique et significative. En 1951, un jeune Australien du nom de Kevin Budden réchappa à une morsure du redoutable serpent-tigre, en conclut que c'est parce qu'on craint la mort après une telle morsure qu'on meurt, que si on ne la craint pas on ne meurt pas. Il décida donc de capturer un taipan (Oxyuranus microlepidotus), le plus redoutable serpent australien, le plus redoutable tout court car les Australiens sont extraordinairement fiers de posséder les serpents, requins et crocodiles les plus dangereux au monde. Il mesure près de 3m, son venin est foudroyant et ses mouvements particulièrement vigoureux et imprévisibles. Et pas de sérum, car pour préparer un sérum il faut disposer de l'animal vivant, donc que quelqu'un l'ait capturé, et personne ne s'y était risqué ! Kevin Budden fut le premier, et est donc pratiquement un héros national dans son pays. Il se saisit d'un taipan à mains nues, en lui maintenant la tête, gagna (en auto-stop !) le domicile d'un spécialiste chez qui il put enfin glisser le reptile dans un sac conçu pour cet usage. Mais ce faisant, son pouce effleura un des terribles crochets. Il en mourut. Son taipan (aujourd'hui naturalisé et en bonne place dans un musée) permit de préparer des doses des sérums, qui à leur tour permirent de collecter d'autres taipans à moindres risques.

Au passage, Boris Sirbey*** affirme qu'il y a (en proportion) moins de cancers du poumon en Norvège qu'aux Etats-Unis, alors qu'on fume davantage en Norvège. Il attribue la différence aux campagnes anti-tabac, virulentes et forcément centrées sur le cancer, aux USA. Je lui en laisse la responsabilité, mais il ne serait pas absurde que ces campagnes aient un intrinsèque effet nocebo.

* Paul Watzlawick, Les cheveux du Baron de Münchhaüsen, Seuil, 199, p129-130 pour la traduction française. Il se réfère à Gordon Allport, Mental Health : A Generic Attitude, dans Journal of Religion and Health, n°4, 1964, p7-21. Pour être complet, Watzlawick déplore que le rapport ne soit pas assez circonstancié.
Bien entendu ce ne serait pas vraisemblable en français. Mais pour un germanophone non latiniste (cela se passe en Autriche), le mot "moribundus" ne ressemble à rien. C'est une pratique très générale, chez les médecins de nombreux pays, de recourir au latin pour discuter du cas d'un patient en sa présence, afin qu'il ne comprenne pas. Soljenitsyne en montre des exemples dans Le pavillon des cancéreux. C'est ainsi aussi que Marcel Pagnol, latiniste éminent et traducteur de Virgile pour le compte des Editions Grasset, apprit la nature de son mal...

** Conférence de Bernard Asquin, "Choc émotionnel et maladie", donnée au congrès de l'Institut Parcelse le 26 mais 2007, pour le texte intégral,  voir ici.

*** Boris Sirbey, La vérité sur le cancer, Edysseus, 2004.

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