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Effet placebo, effet
nocebo Le placebo agit, bien entendu, sur les signes subjectifs, mais est également mesurable sur certains paramètres objectifs : acidité gastrique, diamètre pupillaire, niveau de lipoprotéines, de globules blancs (éosinophiles, lymphocytes), électrolytes, corticoïdes, glucose, cholestérolémie, tension artérielle... Contrairement à une idée répandue, ce n'est pas parce qu'un signe est mesurable qu'il est inaccessible à une action d'ordre psychologique. Ce n'est pas non plus parce qu'un traitement est d'ordre psychologique qu'il n'est pas relayé par des mécanismes biologiques (Dr Patrick Lemoine, sur le site de l'Université de Rennes). A l'effet placebo on ajoute classiquement l'effet nocebo : les effets secondaires indésirables du médicament que le malade a cru ingérer se manifestent aussi. Aussi, les tests de médicaments doivent suivre un protocole strict, bien normalisé, pour éviter tout biais induit par ces effets. Classiquement, on sélectionne 100 personnes dont l'état est susceptible d'être amélioré par le médicament testé. 50 recevront le vrai produit, les autres un produit neutre. Et ni les malades ni le personnel soignant ne devront savoir qui a reçu quoi (principe du "double aveugle"). On ne le découvrira qu'au moment du bilan, après que tous les examens nécessaires aient été pratiqués. Cela étant largement admis, j'avoue ne pas comprendre, pour revenir au cancer, une réaction comme celle rapportée par le Dr Pierre Solignac, psychosomaticien à l'Hôpital Saint-Michel (qui croit à un déterminisme partiellement psychique des cancers), de la part d'un des plus éminents cancérologues français : Ce débat a été dramatique. A tel point que ce cancérologue a refusé de me répondre et que cette émission en direct a dû être interrompue. Il ne pouvait pas supporter la contradiction en public. Il y a donc bien une opposition farouche des cancérologues en France, je l'ai moi-même vécue (cité par Simone Brousse, Médecine, le grand tournant, 2004). Pour
terminer sur l'effet placebo, s'il est largement admis s'agissant d'un
médicament ou plus généralement d'un
traitement, on en parle beaucoup moins à propos d'un
diagnostic ou d'un pronostic émis par un quelconque
médecin. C'est bien sûr autrement scabreux et
délicat à traiter, et on ne fera que l'effleurer
ici, sans prétendre à aucune conclusion.
Néanmoins, voici une anecdote que Paul Watzlawick
présente comme authentique. Un interne crut bon d'expliquer
à un malade qu'on ne trouvait pas pour le moment de quoi il
souffrait. Mais il ne devait pas désespérer car
un éminent professeur allait venir l'examiner, trouverait
peut-être la cause du mal, et dans ce cas on pourrait le
guérir. Le professeur l'examina donc, rapidement, et sa
conclusion tint en un mot : "Moribundus".
Et le malade crut que c'était le nom de son mal, et donc
qu'on allait le guérir, et il guérit
effectivement.* En
mai 1991, mon épouse est
décédée. Elle avait 38 ans, elle est
morte dans mes bras, tragiquement, d'un cancer. Les derniers mois, elle
avait refusé l'acharnement thérapeutique.
Ça m'a donné l'occasion d'observer des
phénomènes dont les médecins ne
voulaient rien entendre. Tout cela n'est pas totalement ignoré, mais il ne faut pas bien sûr en exagérer la portée. Le pharmacien français Emile Coué a comme on sait mis le principe en pratique, avec des résultats non nuls mais très limités. Pour illustrer ces limites, voici une anecdote non moins authentique et significative. En 1951, un jeune Australien du nom de Kevin Budden réchappa à une morsure du redoutable serpent-tigre, en conclut que c'est parce qu'on craint la mort après une telle morsure qu'on meurt, que si on ne la craint pas on ne meurt pas. Il décida donc de capturer un taipan (Oxyuranus microlepidotus), le plus redoutable serpent australien, le plus redoutable tout court car les Australiens sont extraordinairement fiers de posséder les serpents, requins et crocodiles les plus dangereux au monde. Il mesure près de 3m, son venin est foudroyant et ses mouvements particulièrement vigoureux et imprévisibles. Et pas de sérum, car pour préparer un sérum il faut disposer de l'animal vivant, donc que quelqu'un l'ait capturé, et personne ne s'y était risqué ! Kevin Budden fut le premier, et est donc pratiquement un héros national dans son pays. Il se saisit d'un taipan à mains nues, en lui maintenant la tête, gagna (en auto-stop !) le domicile d'un spécialiste chez qui il put enfin glisser le reptile dans un sac conçu pour cet usage. Mais ce faisant, son pouce effleura un des terribles crochets. Il en mourut. Son taipan (aujourd'hui naturalisé et en bonne place dans un musée) permit de préparer des doses des sérums, qui à leur tour permirent de collecter d'autres taipans à moindres risques. Au passage, Boris Sirbey*** affirme qu'il y a (en proportion) moins de cancers du poumon en Norvège qu'aux Etats-Unis, alors qu'on fume davantage en Norvège. Il attribue la différence aux campagnes anti-tabac, virulentes et forcément centrées sur le cancer, aux USA. Je lui en laisse la responsabilité, mais il ne serait pas absurde que ces campagnes aient un intrinsèque effet nocebo. * Paul Watzlawick, Les cheveux du Baron de
Münchhaüsen, Seuil, 199, p129-130 pour la traduction
française. Il se réfère à
Gordon Allport, Mental Health : A Generic Attitude, dans Journal of
Religion and Health, n°4, 1964, p7-21. Pour être
complet, Watzlawick déplore que le rapport ne soit pas assez
circonstancié. ** Conférence de Bernard Asquin, "Choc émotionnel et maladie", donnée au congrès de l'Institut Parcelse le 26 mais 2007, pour le texte intégral, voir ici. *** Boris Sirbey, La vérité sur le cancer, Edysseus, 2004.
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