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Comment est venue l'idée de ce livre
La réponse, ou plus modestement l'élément de réponse,
qui allait aboutir au présent ouvrage est venu d'une réflexion
sur un tout autre sujet. Elle concernait deux chanteurs hors du commun,
qui me semblaient présenter bien des points communs, au-delà
des différences évidentes : un Français et
un Belge, une basse et un ténor, un goguenard et un écorché
vif. Mais aussi, tous deux morts du cancer. Et deux rebelles non-conformistes, au moins dans leurs oeuvres. Y aurait-il une corrélation entre rébellion, au sens large, et cancer ? Là encore, sous réserve d'études approfondies, un survol des listes de victimes du cancer ne montre pas une proportion de conformistes ou de non-conformistes sensiblement différente de celle qu'on voit dans la population générale, et dans celles des artistes, poètes (ce qu'ils étaient tous deux) écrivains, etc. en particulier. Et
puisqu'il s'agissait de chanteurs qui écrivaient eux-mêmes
leurs textes, pourquoi ne pas chercher les analogies dans ces textes
?
La mort m'attend comm' Carabosse (…) La
Camarde qui ne m'a jamais pardonné,
On en verra d'autres exemples plus loin [pas encore en ligne, me consulter],
pour l'un et l'autre. Et cette liste n'est nullement exhaustive. A divers degrés, . Et qu'il soit bien clair que je les aime et admire tous (le génie serait-il par lui-même cancérigène ?) et ne leur reproche rien. Il serait totalement abusif, pour ne pas dire délirant, et ce n'est certainement pas mon intention, de soutenir que le cancer serait une sorte de châtiment pour crime de lèse-mort. Sinon, d'ailleurs, je le risquerais au moins autant que les auteurs en question, et je n'ai aucune envie de le risquer plus qu'un autre. Je n'ai jamais fumé que par personne interposée, et cela me rend généralement très désagréable. N'oublions pas que s'ils se sont moqués de la mort, c'est pour notre plus grand plaisir. Mais il n'est pas interdit de se demander si cancer et outrage à la mort ne relèvent pas d'une cause commune, autant l'appeler négativité, et si cela ne permettra pas d'un peu mieux la cerner, et peut-être la prévenir. Autre remarque, les auteurs qui suivent n'ont pas seulement souffert d'un cancer, ils en sont morts. Quid de ceux qui sont guéris, définitivement, d'un cancer ? Il est plus difficile de trouver des cas dans la mesure où l'histoire enregistre surtout les maladies dont on meurt. Néanmoins, deux prix Nobel de littérature viennent de suite à l'esprit. François Mauriac (cancer de la gorge dont il gardera une voix abîmée) et Alexandre Soljenitsyne (cancer au cou alors qu'il était encore en relégation et n'avait rien publié). Or non seulement ils ne se sont pas moqués de la mort mais ils ont trouvé un ton particulièrement juste pour en parler. Mauriac la traite, comme il traite ses personnages bons ou mauvais, avec le plus grand sérieux, et aussi avec sobriété. Dans Nœud de vipère, la majeure partie du texte est un écrit laissé par le personnage principal. Ils s'interrompt subitement par la mort de son auteur. La famille découvre ces notes et la fin est un échange de lettres à leur sujet. Quant à Soljenitsyne, il est l'auteur du Pavillon des cancéreux, le plus célèbre roman sur le cancer. Ses personnages parlent donc très longuement de la mort. Mais il n'est pas non plus question de s'en moquer. Dans l'extrait suivant, la mort est brièvement personnifiée, ce qui est souvent une façon de s'en moquer ou de la conjurer, mais ce n'est pas la même chose (même s'il est délicat de définir précisément la différence). Paul Nikolaïevitch Roussanov, notable du Parti, vient de prendre conscience que sa tumeur, qui résiste au traitement, pourrait bien le tuer.
La mort blanche indifférente, sous l'aspect d'un
drap qui ne moule aucune silhouette que du vide, s'approchait de lui
prudemment, sans bruit, en pantoufles, et Roussanov, paralysé
par sa marche feutrée, non seulement ne pouvait se battre contre
elle, mais n'était même plus capable de rien penser, rien
décider, rien dire à son propos. Signalons pour mémoire des cas un peu limite comme celui de Nikos Kazantsakis, à qui on a retiré une tumeur vers la fin de sa vie mais qui semble être mort d'autre chose, ou celui, un peu différent d'ailleurs, de Marguerite Yourcenar. Et pour les autres (textes en .pdf) :
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